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Trois gouttes de sang et un nuage de coke

Mouron, Quentin

La Grande Ourse

  • Conseillé par
    23 septembre 2015

    Aïe aïe aïe, me voici doublement embêté. D'une part ce roman est un cadeau, et d'autre part, je n'aime pas dire du mal des petites maisons d'édition. Mais force m'est de constater que je n'ai pas particulièrement apprécié ma lecture. Si le style de l'auteur est dynamique, vif, punchy même pourrait-on dire en bon français, le contenu ne me sied point à plusieurs niveaux. D'abord, l'enquête est mal ficelée et des zones restent obscures une fois le livre refermé. Ensuite, les digressions ne sont pas toutes intéressantes ni de même valeur, certaines sont carrément ennuyeuses. Et enfin, le ton général du roman ne m'a pas plu du tout. Franck est un dandy, un homme en recherche de la pureté. Pour cela, tout ce qui n'atteint pas ce stade n'est pour lui pas digne d'intérêt. Ce n'est pas vraiment ce postulat qui me gêne, au contraire, il y a de quoi bâtir un personnage pas banal, ce que fait bien Quentin Mouron. Mais le travers est de tomber dans un discours un poil méprisant et défaitiste, celui des blasés de tous poils, et là l'auteur n'évite pas l'écueil. Et c'est fort dommage d'ailleurs, car son shérif McCarthy, humaniste, est trop peu présent dans le texte, il aurait fait un merveilleux contre point au pessimisme, à l'élitisme et au mépris de Franck. En sortant de cette lecture, on hésite entre se bourrer la gueule pour oublier ou aller se pendre dans le chêne au fond du jardin... voire les deux... heureusement pour moi, je n'ai pas de chêne, et mon naturel résolument optimiste reprend vite le dessus. Bon, là, on va me rétorquer que je suis naïf, que l'on ne fait pas de bons romans avec de bons sentiments... mais je sais cela, et je ne demande pas de bons sentiments, je dis même que si le shérif McCarthy avait eu une place égale à celle de Franck, les deux discours auraient été plus forts car contradictoires.

    Je dois avouer aussi ma déception quant à la profondeur des personnages, esquissés mais pas fouillées : on ne connaît quasiment rien d'eux sauf la détestation de Franck pour la vie de McCarthy -et de tous les autres bouseux qui ont la malchance d'avoir une femme des enfants un pavillon une voiture et un chien... ouf, j'échappe de peu au stéréotype, je n'ai pas de chien... mais une chatte obèse (je laisse ici quelques secondes pour les ricanements qu'en général ce propos génère, je ne fais pas la fine bouche, moi-même en le disant, il m'arrive de rire)

    Malgré tout, ce roman possède de bons arguments : une écriture vive, des changements de rythme, de belles références, j'ai vu en Franck, ce dandy décadent que plus rien n'étonne un peu de Dorian Gray, qui au lieu d'un portrait porterait un ou des masques : "Vous voyez en moi un homme assuré : allons, vous êtes peut-être plus courageux que moi ! Vous me demandez qui je suis... Que répondre ? Un masque, je suis un masque. Appliqué tant bien que mal sur un éclatement, et qui glisse, glisse. La colle tient mal au gouffre." (p.197/198). Tout n'est pas négatif, je pense que l'auteur a de la ressource, mais la posture de poète maudit peut agacer, moi personnellement, elle magace.