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Brassens, délit d'amitié, délit d'amitié
EAN13
9782841873265
ISBN
978-2-84187-326-5
Éditeur
Ecriture
Date de publication
Collection
ARTS ET SPECTAC
Nombre de pages
222
Dimensions
10 x 10 x 2 cm
Poids
100 g
Langue
français
Code dewey
782.421
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Brassens, délit d'amitié

délit d'amitié

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Ecriture

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Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-3528-7655-7

Copyright © L'Archipel, 2001.

Ils parlaient l'amitié

Georges Brassens chantait dans la chambre de mon frère Charles. Au début des années 60, il faisait partie de la famille. Nous écoutions en boucle « Le temps ne fait rien à l'affaire/Quand on est con, on est con/Qu'on ait vingt ans, qu'on soit grand-père »... Cette chanson démoda les pseudo-rockers que je subissais, victime du matraquage. J'avais l'âge des quatre cents coups et grâce à Brassens je quittais le troupeau des moutons de Panurge : le vrai rebelle n'était pas tel ou tel remuant yé-yé aux paroles importées des États-Unis mais le calme moustachu ciseleur de vers libres. La guitare électrique des copieurs d'Eddie Cochran, Elvis Presley et Gene Vincent était moins franche que la guitare sèche de l'auteur-compositeur-interprète qui n'a pas eu besoin de se reprénommer Johnny ou Dick pour faire moderne. Le pied gauche sur une chaise, Brassens dérangea la France de Vincent Auriol et de René Coty au point que les politiciens de la IVe République interdirent d'antenne « La Mauvaise Réputation ». Rien de bien nouveau. En 1395, déjà, le prévôt de Paris avait interdit aux ménestrels de causer du désordre sur les places publiques par le biais de chansons, récitations ou discours, sous peine d'emprisonnement. Il était urgent que la jeunesse n'entendît pas : « Les brav's gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux ». Les militaires ne supportaient pas les chansons contre la « musique qui marche au pas ». Il fallut attendre 1955 pour qu'Europe 1 soit la première radio à diffuser « Le Gorille ». Chez moi, la poésie s'échappait d'un Teppaz aux allures de lampe d'Aladin dont le génie était Georges Brassens. L'ancien banni ne se faisait pas de cadeau dans ses autoportraits en chansons : « Je suis un voyou », « La Mauvaise Herbe »...

Georges devint Brassens dans la nuit du 8 au 9 mars 1952, à l'ombre du Sacré-Cœur, vers 1 heure du matin. Il y a des jours où la vie bascule du bon côté. Les 78 tours se chargeront ensuite de diffuser la bonne parole du talent éclos chez Patachou, rue du Mont-Cenis. Jusqu'ici le chanteur avait eu pour seul public les amis de l'impasse Florimont, sous la bienveillance de Jeanne et Marcel, encerclés par une lessiveuse, une table bancale, une bécane et un balai dressé contre le mur. Dans l'indifférence générale, quelque chose de grand se préparait. A Montmartre, ceux qui entendent ce soir-là « Les Amoureux des bancs publics » furent submergés par les mots justes qui restituaient la vie avec la force d'un appareil photo tant Brassens donne l'impression de cueillir la vérité au détour d'une rue. La ville décrite par Georges Brassens est une flânerie au pays des piétons célestes, entre Apollinaire, Léon-Paul Fargue et Henri Calet.

Louis Nucéra avait découpé l'article de René Fallet, premier écrivainà saluer Brassens1. L'auteur de La Soupe aux choux avait découvert « l'arbre timide » aux Trois-Baudets, le cabaret dirigé par Jacques Canetti, lui-même tombé sous le charme du chanteur. Louis patienta deux ans avant de rencontrer la « voix en forme de drapeau noir, de coup de poing sur le képi ». Le rédacteur du journal communiste Le Patriote demanda une interview à Georges Brassens qui sortait du tunnel de l'anonymat.

En 1954, le rendez-vous eut lieu au Palais de la Méditerranée, à Nice. Louis fut surpris des confidences de l'artiste dont il captait le moindre frémissement : « Jamais je ne serais monté sur scène si quelqu'un avait chanté mes chansons. Une journée de labourage, ce n'est rien en regard d'une heure au music-hall. » L'idée de passer un examen lui rappelait trop l'école. Dès les premières notes, le reporter fut frappé par la sueur ruisselant au front du colosse, cheveux bouclés noirs.

Auparavant, Brassens avait réjoui le public de Bobino et de l'Olympia, captivé par la présence du créateur du « Mauvais Sujet repenti ». Chez Patachou, le personnel suspendait toute activité dès qu'il se mettait à chanter, serrant contre lui sa guitare, baptisée « ma fille ». La « tyrannette » poussa vraiment son poulain sur la scène : « Tes chansons valent leur pesant d'or. » Dupe de rien, Brassens confia à Louis : « Nous devons tout à Jacques Prévert qui a fait descendre la poésie dans le cœur des gens. » Reconnu dans la rue, épié au restaurant ou aux feux tricolores, il s'acheta un vélo d'appartement afin de rouler sans être importuné.

Alors que le journaliste n'avait encore rien publié en librairie, son interlocuteur le promut écrivain méconnu au cours de la soirée prolongée autour d'une pissaladière dans la Vieille-Ville, en bordure de la Promenade des Anglais. Tous deux avaient en commun l'amour du beau langage, le culte de l'amitié, la haine de la bêtise, le goût du travail, le respect des parents, la passion des chats et même l'habitude de se réveiller aux aurores. A 5 heures du matin, Brassens lisait Marcel Pagnol, La Fontaine ou le catalogue de Manufrance, avant d'écrire ; à 4 h 30, Nucéra peaufinait ses romans L'Obstiné ou Le Greffier, entouré par les livres de Marcel Aymé et de Cioran. Leur refus commun d'être père venait de la mélancolie de mettre au monde des enfants dans une maternité ayant vue sur le cimetière. Aucune descendance mais La Cane de Jeanne trépasse non sans avoir pondu un œuf la veille, spécifie Brassens.

A l'affût du talent d'autrui en vue de se construire une identité, Louis Nucéra était fasciné par la gentillesse du pudique homme public qui « bouffait » du curé et du flic, vilipendait l'armée, le mariage, la famille et l'école. Cela ne l'empêchait pas de saluer à l'église la naissance de l'enfant d'un proche. Sa morale n'était pas celle des autres. L'insolent empruntait les passages piétons pour ne pas offusquer les forces de l'ordre, surtout depuis qu'il fut condamné à quinze jours de prison avec sursis pour un cambriolage, en 1939. Les gens qui crièrent « A mort ! » sur son passage le dégoûtèrent à jamais de la justice.

A ses débuts, l'anticonformiste chantait en complet-veston pour livrer moins des invectives que des confidences. Revenu en coulisses, le pourfendeur d'hypocrisie ressemblait au boxeur à la descente du ring. La victoire modeste, il était soudain l'incarnation du pacifisme. Celui qu'on appelait « le Gros » avait des allures d'ours, capable d'avaler une douzaine de jambon-beurre ou un poulet à lui tout seul, et de se gaver d'une boîte entière de sucreries pour caler ses 100 kilos. Le seul régime qui lui convenait était celui de bananes. Dès leur première rencontre, le Sétois, trente-trois ans, et le Niçois, vingt-six ans, furent ravis d'apprendre qu'ils avaient les mêmes racines italiennes et ouvrières. Elvira et Jean-Louis Brassens exerçaient le repassage et la maçonnerie, tandis que Baptistine et Louis senior étaient tricoteuse et plombier.

Entre ces deux-là, nés au bord de la Méditerranée, les choses n'ont pas traîné. « Ma mère m'emmenait tous les jeudis après-midi sur la tombe de ses parents. A part le fils du concierge de la nécropole, j'ai été l'enfant le plus près des morts. Je suis un enfant de la dalle ! » Cette déclara...
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