La librairie vous accueille du mardi au samedi de 10h à 12h30 et de 14h à 19h
27 rue Franche, 71000 Mâcon - 03 85 38 85 27 - cadran.lunaire@wanadoo.fr
 

Cent jours, cent nuits
EAN13
9782889073344
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
ZOE POCHE
Langue
français
Langue d'origine
allemand
Fiches UNIMARC
S'identifier

Cent jours, cent nuits

Zoé

Zoe Poche

Indisponible

Autre version disponible

Rwanda, début des années 1990, au seuil du Génocide. On y trouve alors plus de
deux cents organisations humanitaires. À cela une explication: le climat, très
agréable à vivre au Rwanda. Et la sécurité, assurée par un régime dictatorial.
Qui lui-même profite des ressources de l’aide au développement. Le
protagoniste du roman, David Hohl, travaille pour la Direction suisse du
développement et de la coopération pour l’aide humanitaire à Kigali, sa
première mission. Plein d’idéaux – c’est sa première mission –, David découvre
bientôt l’univers morne du bureau de la Direction, « un vivarium, un cube où
étaient artificiellement reproduites les conditions du pays d’origine ». Il y
rencontre « le petit Paul », coordinateur adjoint qui l’initie « aux méandres
de la voie hiérarchique, aux mystères entrelacés du déroulement correct d’un
processus opératoire ». « Il était comme ça, le petit Paul. Il aimait ce pays
sans réserve, et ce qu’il n’aurait pas accepté chez lui, il l’excusait ici
généreusement. » Ou Missland, excessif, profiteur, « marié pour la troisième
fois avec une femme de Kigali. Le mariage, il l’entendait comme aide au
développement et il trouvait injuste de ne réserver cette possibilité qu’à une
seule femme. Cela ne l'empêchait d’ailleurs pas, en outre, d’avoir un harem
qui était souvent la cause de violentes disputes. Elles en veulent à mon
argent, gémissait-il parfois ». Ce quotidien ennuyeux plonge David dans une
quasi léthargie : « Nous jouissions en effet de certains avantages, l’ordre,
un climat sain, mais en même temps nous souhaitions parfois nous sentir plus
proches de la mère primitive, de la sombre origine qui ne devait pas battre
très loin. Nous aurions préféré transpirer plus souvent, regarder plus souvent
les gens dans le blanc de l’œil, saluer la folie au petit déjeuner. Nous
avions beaucoup de choses à faire, et même en trimant sept jours par semaine,
nous ne serions pas venus à bout de notre travail. Et pourtant, nous nous
ennuyions. Nous nous trouvions au cœur du continent noir, mais ce n’était tout
simplement pas assez brûlant pour en ressentir toute l’horreur métaphysique. »
Il trouvera une échappatoire dans sa liaison avec Agathe, une Rwandaise, fille
d'un fonctionnaire hutu, de retour au pays après avoir étudié en Europe ; tour
à tour passionnée, distante, parfois condescendante. Et trop indépendante pour
renouer avec la vie traditionnelle d’une femme rwandaise : « Agathe n’avait
plus l’habitude de vivre en famille après avoir appris à apprécier son
indépendance à Bruxelles. […] Et maintenant elle devait rester dans ce trou un
temps indéterminé où, en tant que femme, elle ne pouvait pas aller seule dans
un bar, ni même dans un restaurant normal sans être importunée par quelques
types en uniforme sortis on ne sait d’où. » Et quand l’instabilité politique
s’instaure avec le soulèvement des Tutsis, David sent, avec l’inquiétude,
venir l’excitation : « C’en était fait du calme d’autrefois, mais au moins
l’ennui s’était envolé et le danger produisait sur moi un effet vivifiant. Je
dormais moins, je buvais plus de café, j’étais pris d’une anxiété vague mais
je ne savais pas si c’était la guerre ou si ce n’était pas plutôt cette
histoire avec Agathe. » Jusqu’à ce qu’arrive l’horreur, en 1994, et le
génocide des Tutsis. Plutôt que de fuir, David se tapit dans sa maison de
Kigali durant les cent jours du massacre, d'avril à juillet. Culpabilité,
effroi, faim, soif, solitude, sentiments et sensations se mêlent alors en une
infernale sarabande qui s’invite dans son jardin de Kigali, devenu la scène du
roman, îlot secret confiné alors que tout autour se déchaîne la pure violence.
Au-delà de cette plongée dans l’horreur, Lukas Bärfuss s’intéresse aussi aux
mécaniques du pouvoir et révèle comment les missions de coopération
humanitaires détachées par les occidentaux (la Suisse en particulier) se sont
appuyés sur la dictature hutu et ont contribué à la justifier. Car si le
Gouvernement hutu a pu tuer autant et aussi vite, c’est grâce à l’aide au
développement, spécialement à la Suisse, qui a investi plus et depuis plus
longtemps que tous les autres pays dans le régime. 2024, les trente ans du
Génocide rwandais Le génocide rwandais s'est déroulé du 6 avril au 4 juillet
1994. Environ 800 000 personnes, Tutsis et Hutus modérés, ont été massacrées.
Ce génocide tire ses causes de la colonisation du pays, par l’Allemagne puis
la Belgique, au début du 20e siècle. Les ethnies rwandaises sont hiérarchisées
par les colons : jugés supérieurs aux Hutus et aux Twas, les Tutsis
minoritaires ont accès à l'éducation et aux postes à responsabilité. Dès 1931,
la mention de l'ethnie figure sur les papiers d'identité. En 1962, le Rwanda
proclame son indépendance. Les Hutus, majoritaires, prennent alors le pouvoir,
et la situation s'inverse. Les Tutsis n'ont plus accès à rien. Des milliers
d’entre eux sont régulièrement massacrés, et nombreux sont ceux à fuir le
pays. Une guerre civile éclate en 1990 et embrase le pays jusqu’à ce que des
accords soient trouvés avec l’aide internationale entre les factions engagées,
en été 1993. Mais le 6 avril 1994, le président rwandais et son homologue
burundais sont tués à bord d’un avion abattu par un missile. Aussitôt, les
milices Hutus se mettent à abattre tout individu identifié comme Tutsi. Le
génocide prend fin en juillet, au moment où les forces du Front patriotique
rwandais, pro-Tutsis, occupe la capitale et déclare un cessez-le-feu, avant de
mettre en place un gouvernement d'union nationale pour une période transitoire
de cinq ans. Né en 1971, Lukas Bärfuss habite à Zurich. Il a passé plusieurs
années de son adolescence dans la rue avant de vivre de sa plume, a été
ferrailleur et jardinier, puis a repris une librairie. Aujourd’hui romancier,
dramaturge essayiste, il est l’un des auteurs germanophones les plus connus,
récompensé en 2019 par le très prestigieux prix Georg-Büchner. Ses pièces de
théâtre sont traduites et jouées dans le monde entier. Parmi ses romans, Cent
jours cent nuits (L’Arche éditeur, 2009 / Zoé Poche, 2024), qui raconte le
génocide rwandais, Koala (Zoé, 2017), retraçant le destin du frère de
l’auteur, suicidé, Hagard (Zoé, 2018), récit d’une traque et d’une perte de
contrôle subite et totale. Politique, combatif, dans la tradition des grands
intellectuels allemands (Heiner Müller, Thomas Bernhard), Lukas Bärfuss lutte
pour un monde où les valeurs de l’esprit l’emporteraient sur celles de
l’économie. Bärfuss se confronte aux questions de société, en particulier
celles qui concernent les plus faibles. Cela toujours de manière très
personnelle. Ses textes, il les imprègne d’une force rythmique qui vient de
son expérience de dramaturge. Il en ressort un puissant effet de réalisme, une
dramatisation des situations en peu de mots. Lukas parle très bien le
français, est à l’aise pour les entretiens et les émissions, son charisme est
évident.
S'identifier pour envoyer des commentaires.