Enfanter Dieu

A travers les tableaux de Marie, mère de Dieu, qu'il s'agisse des
Annonciations, des Visitations, des Vierges à l'enfant, des Vierges sans
l'enfant, des crucifixions, etc. Cacciari interroge le statut de ce personnage
qui enfante Dieu et se soumet à l'enfant, dont les multiples représentations
disent toutes la complexité d'une religion 'humaine', humanisée, fondée sur un
miracle et un doute (le doute de Marie si patent dans la plupart des
Annonciations quand l'Ange vient lui dire qu'elle est enceinte du Fils du
Seigneur). Marie incarne ici un aspect du christianisme sur lequel on a pu
passer sans y prendre garde, tout occupé à réfléchir à la question du dogme,
de la foi etc. mais qui saute aux yeux dès lors que l'on prend un peu de recul
et que l'on tient compte des innombrables représentations qu'elle a suscité.
(Il y a un christianisme de Marie, PUIS un christianisme de Paul qui fonde le
dogme (et le dogmatisme)). Une femme, une mère, un enfant (étymologique in-
fans='privé de parole'), une scène d'une quotidienneté extrême mais qui met en
jeu un bouleversement du monde. Cacciari ici, dans un très grande forme
stylistique, passe de l'étude esthétique de telle ou telle Annonciation, à la
plus pure réflexion théologique et philosophique. Il interroge le personnage,
ses doutes et ses certitudes, son apparente béatitude face au monde et son
extrême détermination à enfanter Dieu. Cet essai, qui a surpris bien des
lecteurs et critiques italiens, habitués à un Cacciari, homme politique, issu
de l'opéraisme, passé par le PCI, la mairie de Venise, la députation
européenne, et que l'on retrouve tout à coup aux pieds de Marie, mère de Dieu.
Le livre fut un best seller (plus de 50000 ex. vendus). Difficile d'imaginer
quel effet le livre peut avoir en France. Il étonnera sans doute les quelques
lecteurs de Cacciari, mais peut gagner un autre public, à la fois dans le
domaine de l'esthétique, que de la théologie. Massimo Cacciari est né à Venise
en 1944. Il a été maire de cette ville de 1993 à 2005. Son oeuvre
philosophique est abondante, depuis Krisis (Milan, 1976) jusqu’à sa plus
récente parution : Le travail de l’esprit (2020). En français on peut lire :
Icônes de la Loi (C. Bourgois 1990), L’Ange nécessaire (C. Bourgois 1988),
Déclinaisons de l’Europe (L’éclat 1994), Le Dieu qui danse (Grasset 2000), Le
Jésus de Nietzsche (L’éclat 2012) ainsi qu’un volume inédit en italien: Drân.
Méridiens de la décision dans la pensée contemporaine (L’éclat, 1992). Outre
ses nombreux écrits sur Walter Benjamin, Wittgenstein, la Vienne fin de
siècle, Cacciari intervient régulièrement dans la vie politique italienne, le
plus souvent à la télévision depuis qu'il a renoncé à quelque mandat que ce
soit dans les institutions politiques. Ses interventions sont souvent
polémiques et ont le don d'irriter la classe politique classique, qui la
plupart du temps en prend pour son grade. Si on lui reproche de cracher dans
la soupe, son 'parler vrai' touche par ailleurs les italiens qui s'accordent
sur son statut hors normes et ses qualités à la fois morales et
intellectuelles. L'éclat le publie depuis 30 ans. Il est actionnaire à hauteur
de 5% dans les éditions de l'éclat depuis 2011.