Bonté contre honte
Il n’est pas nécessaire d’avoir lu les premières enquêtes pour découvrir « le Baron », retraité de la police marseillaise qui, pour des raisons personnelles, va quitter son voilier et son violon pour reprendre une enquête officieusement. Thalia, engagée dans l’aide aux migrants en tant que psychiatre, est retrouvée morte. Elle préparait un livre sur le parcours d’une jeune réfugié. Ses écrits vont permettre, dans la quête de vérité du policier, de démontrer une situation dramatique.
Marseille, la Grèce, la Sicile …. Cette fiction policière aborde la cause des immigrés en quête de survie ou d’une vie meilleure qui malgré les ONG oeuvrant pour eux sont perpétuellement menacés par le fascisme, le racisme et la xénophobie.
L’écriture est intelligente et documentée sur des sujets qui interrogent, les personnages meurtris décrits avec sensibilité.
Edifiant.
Chats de gouttières sur talons aiguilles
Ce premier roman de Camila Sosa Villada, actrice et chanteuse transgenre, en partie autobiographique, raconte sa vie à Córdoba, étudiante le jour, prostituée la nuit. Elle côtoie une communauté de femmes transgenres rejetées pour leur différence par leur famille et la société ; fragilisées par la violence, les arrestations, les viols, la drogue et le sida ; mais protégées par Tante Encarna, sorte de madone immortelle « aux seins gonflés à l’huile de moteur ».
La solidarité qui les unit comme une fraternité, les aide à surmonter les sacrifices nécessaires à leur salut et à rêver d’une vie paisible et d’un véritable amour.
Camila nous raconte sans fard ces femmes incroyables ; outragées, victimes d’un milieu hostile, qui battent le pavé de leurs talons aiguilles pour survivre ; tantôt splendides poupées de silicone, tantôt chiennes guerrières.
L’écriture, tantôt incisive, tantôt poétique, plutôt bienveillante, transporte l’émotion.
« Ce que la nature ne te donne pas, l’enfer te le prête ».
A dos de Mary
Arabella, jeune femme sensible et intrépide, Jérémy voué au journalisme et Kid fuyant la persécution raciste assistent indépendemment, en septembre 1916 dans une petite ville du Tennessee, à l'exécution par pendaison d'une éléphante de cirque jugée dangereuse.
Ces trois personnages s’avèrent liées par deux mêmes causes : défendre la France en guerre et la cause animale des cirques.
Affrontant activement la guerre sur les champs de bataille de l'Est de la France, leur rencontre donne naissance à une forte histoire d’amour et d’amitié qui les emporte dans une aventure improbable de sauvetage d’éléphant.
Dans un contexte historique documenté, Ariane Bois plante son expédition romanesque à travers plusieurs continents, déplorant le racisme, la guerre, la maltraitance et la pauvreté. La musique, très présente, adoucit le contexte et l’espoir d’une nouvelle et prometteuse vie en Afrique.
L’aventure est prenante, facile à lire, peu crédible mais étonnante.
le mal aimé
Paul est disgracieux, ennuyeux, jaloux, seul dans sa vie étriquée, son lien social réside en deux sœurs partageant pour seul héritage un passé douloureux. Du désamour est née la colère.
Son seul exutoire : l’obsession de tomber amoureux.
Il devient un prédateur puissant et incontrôlable, conséquence du désamour.
Bénédicte Soymier présente d’abord les faiblesses de Paul mais n’excuse pas sa spirale lente et irrémédiable vers la violence conjugale malgré ses excuses réitérées. Elle lui donne la parole en alternance avec celle d’une femme amoureuse et vulnérable.
D’une écriture parcimonieuse, avec des phrases courtes de mots justes, l’auteur nous percute magistralement.
Au coeur des assises
Walid, jeune ambitieux de la banlieue, fait de brillantes études et se rapproche d’Héloïse bourgeoise contrariée. Sa situation tourne au drame quand il est accusé de viol.
Le livre est une plongée en Cour d’Assises à dimension tragique, Emmanuel Flesch mettant en scène l’extrême droite au pouvoir avec réhabilitation de l’échafaud.
Ce procès est adroitement exposé du point de vue des états d’âmes des protagonistes, mettant en exergue les stratégies de défense et d’accusation, les intérêts politiques. Cela sous le regard neutre d’un juré découvrant pour la première fois cette dimension théâtrale et tragique.
Le verdict sera-t-il la ligne rouge à ne pas franchir ? Quels critères pour la justice ? L’affaire est prenante tout du long.
Ce roman est bien documenté et passionnément écrit.