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Charles K.

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20,00
Conseillé par (Libraire)
13 septembre 2018

MA DEVOTION/Julia Kerninon

Pourquoi lit-on des romans ? Pour vivre en abrégé la vie de quelques autres, une vie, des vies que nous ne vivrons pas, et dont le roman, nous en donnant un aperçu, nous enrichit d’autant.
Et nous savons qu’un roman est réussi quand nous en gardons trace, longtemps après l’avoir lu. Pour moi c’est le cas s’agissant de "Ma dévotion".

"Ma dévotion", donc, se présente comme une sorte de confession de la narratrice à l’homme, peintre éblouissant, internationalement reconnu, qui a occupé le plus clair de sa vie. Le livre est découpé en 118 chapitres très brefs comme autant de peintures. Et il est construit en 8 parties dont 4 sont nommées en référence aux lieux, villes et maisons où les protagonistes ont vécu. Rome, Amsterdam, New York, Londres, Normandie.
Ils se sont connus adolescents à Rome, elle fille de diplomate, lui fils d’un employé subalterne de l’ambassade. Helen et Franck détestent leur famille, tant leur mère que leur père, et vont nouer de là un lien complexe d’une amitié amoureuse qui va s’avérer assez déséquilibrée. Elle, dévouée à l’objet de son amour, œuvrant dans l’ombre pour sa réussite. Sa réussite de peintre. Qu’elle a aidé à éclore et à faire connaître. Sa notoriété de peintre, son égoïsme d’artiste, c’est un cas de figure assez courant, va l’éloigner d’elle. Et puis elle lui reviendra, pour se charger de l’éducation du fils qu’il a eu avec une amante de passage, jeune modèle qu’il a abandonné. Retrouvailles donc, en Normandie, au milieu des bois, jusqu’à ce qu’un épisode destructeur cause leur rupture définitive.
Et puis, après 23 ans de silence, le hasard les fait se croiser sur un trottoir de Londres. C’est l’occasion pour Helen, écrivain, éditeur, de livrer à Franck, dans un long monologue chuchoté, sa version de leur vie, avec le recul qu’on a quand, à 80 ans passés, on entre dans le soir de l’existence.
Et c’est alors que "Ma Dévotion" révèle ce qui en fait l’âme. L’incommunicabilité des êtres. Les mensonges, les non-dits qui les constituent. Les accords qui ne sont qu’une forme particulière de malentendu. Les trajectoires qui se côtoient, parallèles sans jamais se croiser, et en tout cas pas se fondre.

300 pages de lecture nécessaire.

Conseillé par (Libraire)
6 juillet 2010

ça se lit comme un polar. Vraiment excellent. Et terrifiant. Combien de morts ?
Combien de bénéfices ?

Conseillé par (Libraire)
27 mars 2009

Une rencontre. Des rencontres. Trente fois une rencontre. Celles dans lesquelles Kundera nous entraîne à sa suite. Une rencontre avec un ami d’aujourd’hui, par exemple, le peintre Breleur, dont tous les tableaux sont des tableaux de nuit, et qui peint la lune comme nous ne la voyons pas ici en métropole, Breleur avec qui il boit le punch en Martinique, et qui lui dit de sa voix calme : « Malgré tout, dans la peinture, il doit s’agir avant tout de beauté ». Rencontre de Bacon aussi sur l’œuvre duquel il livre un commentaire éblouissant, non sans d’abord prévenir : « Les meilleurs commentaires de l’œuvre de Bacon c’est Bacon lui-même qui les a faits… » Je ne sais.

Mais ce que je sais c’est que les douze pages que Kundera nous livre sur Francis Bacon sont lumineuses d’intelligence, et aussi riches d’humanité qu’elles sont sans illusion « sur l’avenir du monde ni sur celui de l’art ». Lisez plutôt, il cite le peintre : « J’ai toujours été touché par les images relatives aux abattoirs et à la viande, et pour moi elles sont liées étroitement à tout ce qu’est la Crucifixion. Il y a d’extraordinaires photographies d’animaux qui ont été faites juste au moment où on les sortait pour les abattre. Et l’odeur de la mort… » et Kundera de poursuivre : « Rapprocher Jésus cloué sur la croix des abattoirs et de la peur des animaux pourrait paraître sacrilège. Mais Bacon est un non-croyant et la notion de sacrilège n’a pas de place dans sa façon de penser ; selon lui, « l’homme réalise maintenant qu’il est un accident, qu’il est un être dénué de sens, qu’il lui faut jouer le jeu jusqu’au bout ». Jésus, vu sous cet angle, c’est cet accident qui, sans raison, a joué le jeu jusqu’au bout. La croix : la fin du jeu qu’on a joué jusqu’au bout. Non pas de sacrilège ; plutôt un regard lucide, triste, pensif et qui essaye de pénétrer vers l’essentiel ».
Regard lucide, porté sur l’essentiel qu’il faut rapprocher de celui de Céline rapportant la mort de sa chienne. Une mort discrète, digne, « sans du tout se plaindre ». Et de citer Céline : « Oh, j’ai vu bien des agonies…ici…là…partout…mais de loin pas des si belles, discrètes…fidèles…ce qui nuit dans l’agonie des hommes c’est le tralala…l’homme est toujours quand même en scène…le plus simple » Le tralala humain et « la beauté sublime de la mort d’une chienne ». Kundera n’écrit que deux pages sur cette mort du chien de Céline, mais personne ne m’a jamais donné envie de lire Céline comme Kundera en ces deux pages. Et moi qui n’ai pas lu Anatole France (« Le cortège funèbre qui accompagnait Anatole France était long de quelques kilomètres. Puis tout a basculé. Excités par sa mort , quatre jeunes poètes surréalistes ont écrit un pamphlet contre lui ») je vais me précipiter sur Les dieux ont soif , ce roman de la Révolution, et y découvrir « le mystère du comique qui s’est faufilé dans les horreurs, le mystère de l’ennui qui accompagne les drames, le mystère du cœur qui se réjouit des têtes coupées, le mystère de l’humour en tant que dernier refuge de l’humain… » Anatole France, que plus personne ne lit, « dès que son cercueil a touché le fond du trou, la marche vers la liste noire a commencé pour lui. ».
Bacon donc, et Céline et Anatole France et Cioran, et Janacek, et Beckett, et Broch, et Fuentes, et… ses contemporains, ses devanciers, ses pairs, ses amis, peintres, écrivains, musiciens . Kundera les montre à l’œuvre. Et les questionne, avec toute la sagacité de l’artiste examinant l’œuvre d’un autre artiste. (« Depuis quand Karénine ne faisait-il plus l’amour avec Anna ? Et Vronski ? A-t-il su la faire jouir ? »). Et interrogeant leur œuvre nous dévoile son propre questionnement, nous éclaire sur sa trajectoire. Travail, écriture, musique, amitié, observation ironique d’un monde qu’il décrit ravagé par le kitsch. Ceci pour finir : « En 1999, un hebdomadaire parisien (l’un des plus sérieux) a publié un dossier sur « Les génies du siècle ». Ils étaient dix-huit au palmarès : Coco Chanel, Maria Callas, …aucun romancier, aucun poète, … mais deux couturiers…Ce palmarès n’était pas bricolé par des ignorants. Avec une grande lucidité, il annonçait un changement réel : le nouveau rapport de l’Europe à la littérature, à la philosophie, à l’art » Kundera questionne : « Que restera-t-il de toi Bertolt ? ». Que restera-t-il de toi Milan ? On comprend son retrait des médias, son regard amusé, son quant-à-soi acide.
« Une rencontre » nécessaire, salutaire, réjouissante.

Éditions du Pommier

Conseillé par (Libraire)
20 mars 2009

« La science efface des frontières. Elle les rend floues. Frontières entre la matière et le vivant…entre l’animal et l’humain » écrit Jean-Claude Ameisen, faisant écho à cette idée de Darwin que « la différence en ce qui concerne l’esprit entre l’homme et les animaux supérieurs, aussi grande soit-elle, est certainement de degré et non de nature ». Frans de Waal, dans le fil du darwinisme, pense qu’il y a continuité entre les comportements moraux humains et non humains. Dans « Primates et philosophes » il s’applique à démontrer qu’on peut comprendre l’émergence de la morale chez l’homme en étudiant le comportement des chimpanzés et des autres grands singes. Il commence par critiquer la « théorie du vernis » selon laquelle la nature profondément égoïste de l’homme ne serait que recouverte d’une mince couche de règles morales relevant de la construction culturelle. De Waal, à l’inverse, pense que le sentiment moral chez l’homme commence avec l’empathie. Darwin déjà croyait que « Beaucoup d’animaux […] éprouvent certainement de la sympathie pour la détresse ou le danger (que ressent) l’autre » et « que les animaux (sociaux) ont un sentiment d’amour les uns pour les autres ».

Selon De Waal il faut situer l’émergence de la morale dans le fil de l’évolution. De l’altruisme involontaire, qu’on observe chez tous les animaux, à l’altruisme réciproque, que l’on voit chez les dauphins, chez les éléphants, les grands singes et chez l’homme, aux émotions sociales (chez les grands singes et chez l’homme) et au jugement moral que seuls les humains formulent il n’y a pas de discontinuité mais seulement changement graduel, évolution. Et, bien sûr, l’éminent primatologue cite à l’appui de sa démonstration nombre d’exemples frappants, parmi lesquels celui-ci: « un jour Kuni captura un étourneau. Redoutant qu’elle ne lui fasse mal –l’oiseau semblait indemne- la gardienne lui demanda de le relâcher. Kuni l’emmena et le posa doucement à terre, sur ses pattes, mais il resta sur place, pétrifié. Comme il ne bougeait pas, elle le jeta en l’air : il ne fit que voleter quelques instants. Elle le reprit donc d’une main, puis grimpa au sommet de l’arbre le plus haut des environs, enserrant le tronc de ses jambes pour avoir les deux mains libres. Ensuite, elle déplia soigneusement les ailes de l’oiseau, les ouvrit toutes grandes, avant de le projeter aussi fort qu’elle put au-delà des imites de l’enclos. Malheureusement il retomba au bord du fossé, où Kuni le protégea un long moment des attentions d’un jeune bonobo un peu trop curieux. » . De Waal poursuit en soulignant la forte propension qu’ont les grands singes à aider, allant jusqu’à prendre pour les autres des risques conséquents. Sa réflexion, pour reprendre le mot de l’éditeur, va bien au-delà de l’opposition simpliste entre nature et culture et illustre l’alliance novatrice de la philosophie et de la biologie au service de l’éthique. Belle alliance.

Conseillé par (Libraire)
19 mars 2009

« Moi vivant vous n'aurez jamais de pauses » est un petit livre, joliment dessiné, drôle, très drôle qui relate avec beaucoup de finesse le quotidien, les mésaventures d’une jeune fille de 26 ans égarée dans un métier, celui de libraire, pour lequel elle ne semblait pas faite. Mais on ne le saura en réalité jamais, car on ne peut pas exercer le métier de libraire dans une entreprise dont l’ambition n’est pas d’être une librairie mais simplement une usine de distribution du prêt-consommer-culturel.
Bien sûr on peut aussi lire « Moi vivant » comme on le ferait d’un ouvrage de socio rapportant une tranche de la vie quotidienne des jeunes vendeurs dans la « grande distribution ». Un livre gai, pour dire une vie qui ne l’est pas.