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Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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26 mai 2015

Mise en garde : ce roman est absolument passionnant. Pour qui, comme moi, ne connaît que très peu -c'est un euphémisme- l'histoire de la Grèce et de l'Albanie, c'est une découverte et un contexte de roman très fort. Habilement, Gazmend Kapllani nous parle d'abord de la Grèce actuelle, qui tend vers la xénophobie, la peur de l'étranger (ce qui, évidemment n'arrivera jamais chez nous, en France, le FN est totalement dédiabolisé, son chef historique viré, ses membres voire même ses candidats n'ont jamais eu de dérapages racistes... tout cela bien sûr si l'on écoute les médias...). La Grèce de la crise économique récente qui dure et qui fait le jeu des opportunistes, poujadistes et populistes de tout poil. Il parle ensuite beaucoup de l'Albanie, de celle d'il y a 70 ans, lorsqu'elle accueillait sur son sol des migrants fuyant les nazis. Puis ensuite, c'est la dictature de Hodja, pendant quarante ans. Et sous une dictature stalinienne, il ne faut pas bouger une oreille, le moindre écart est sanctionné.

Melsi découvre dans le roman de son père ce qu'il croit être la vie de sa famille, les secrets bien gardés sur les origines, la vie difficile sous la dictature même si au départ, grâce à une connaissance bien placée, ses grand-père et père trouvent un travail qu'ils aiment. Pendant ces trois semaines en Albanie, il a aussi le temps de faire le point sur sa vie ; la quarantaine, il papillonne entre deux femmes, hésite à s'engager, vient de se voir refuser sa demande de nationalité grecque, veut quitter ce pays mais ne sait pas où aller et avec qui, ... Il est en plein doutes, questionnements.

Ce court roman de 160 pages commence doucement, surtout ne pas se laisser décontenancer par le début qui peut sembler un peu mou mais qui colle parfaitement à l'état d'esprit de Melsi à ce moment, la suite est excellente, notamment à partir du moment où Melsi ouvre le manuscrit de son père. Extrêmement plaisant à lire, parce que bien écrit et bien traduit, l'auteur remerciant en des termes chaleureux F. Bienfait et J.Giovendo "qui ne sont pas seulement les traducteurs remarquables de ce livre, mais sont devenus (ses) alter ego littéraires." (p.157). J'aurais pu citer une foultitude de passages, tous aussi intéressants les uns que les autres, mais longs, parce que difficiles à couper pour que le sel de l'écriture de Gazmend Kapllani saute aux yeux. Je me contenterai du début, les toutes premières phrase pour vous mettre en appétit :

"A l'instar de certaines amours, certains pays sont une aberration : ils n'auraient jamais dû exister. Être né et avoir vécu dans un tel pays procure un désenchantement assez proche de ce que l'on éprouve quand on a gâché sa vie avec une personne qui n'était pas la bonne." Melsi était content de sa trouvaille. Craignant de l'oublier, il retrouva un peu d'énergie pour sortir son carnet et y consigner ces phrases, moitié en grec, moitié en albanais." (p.9)

Les éditions Intervalles m'ont rarement déçu, jusqu'ici j'y avais surtout lu des auteurs français, je découvre avec bonheur le rayon auteur étranger.

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26 mai 2015

Quelques passages excellents ponctuent les pages et permettent de tenir la lecture, de ne pas l'abandonner. Le roman accuse des longueurs, des répétitions, il est barré, décalé, "... un Portugais qui écrit des livres comme Almodovar fait des films." est-il écrit en 4ème de couverture (Néon, Allemagne), j'aurais dû me méfier, je n'aime pas Almodovar, je ne comprends rien à son cinéma...

Décousu, dur à suivre, ce roman réserve de bonnes surprises néanmoins, comme cette description positive d'un logement petit et sans doute un peu salubre : "C'était un lieu magique, là où on vivait. Chaque coin avait sa propre vie : le frigo nain s'ouvrait depuis le lit, qui avait une sortie directe sur l'extérieur, la commode se changeait en table à manger, le socle de la télévision faisait aussi chaise, le fil électrique servait pour la lumière, étendre le linge et accrocher les dessins du petit, la table de chevet devenait plan de travail pour préparer les repas, le tapis de la cuisine donnait sur la chambre et le salon, le miroir faisait cadre dès qu'on s'y regardait, l'étagère de l'épicerie accueillait les produits de toilette, les verres, les assiettes et les couverts.Il ne manquait rien." (p.29)

A lire sur un thème proche, un roman culte en Hongrie et très bien, testé sur ce blog : Épépé, de Frenc Karinthy

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26 mai 2015

Treize auteurs, treize nouvelles qui vont de l'histoire légère à la plus noire, de la réaliste à une plus onirique et même de la science fiction. Évidemment sur le nombre, certaines m'ont marqué plus que d'autres :

- L'idiot du village, de Edgar Kosma : l'Américain est un petit bonhomme bien tranquille qui par imprudence va voir sa vie un rien transformée. Sur le thème de l'arroseur arrosé, une nouvelle qui joyeusement nous fait suivre un gentil idiot de la rue de Flandres et une cupide jeune femme.

- Le tueur en pantoufles, de Nadine Monfils : la preuve en quelques pages que les livres n'apportent pas que du bon. Une nouvelle très drôle d'une auteure connue pour ses écrits dans ce genre (que je n'ai pas encore lus, mais je me promets de le faire depuis un moment)

- La perruche, de Barbara Abel : une narratrice petite-bourgeoise du quartier Saint-Gilles accueille dans sa famille un étudiant étranger, l'étincelle qui va la faire exploser. Et l'on pense forcément à la chanson Les bourgeois de Jacques Brel, tiens, belge lui aussi.

- Seuls les ruisseaux boueux coulent dans l'obscurité, de Patrick Delperdange : un guide pour touristes qui aime bien agrémenter ses soirées en les passant avec des femmes de son groupe doit partir à la recherche du fiancé de l'une d'elle qui a disparu.

- L'ombre de la tour, de Émilie de Béco : traumatisée par l'affaire Dutroux, la Belgique, à la fin des années 90 mène la vie dure aux présumés pédophiles. Certains "épurateurs" pourraient s'en mordre les doigts quelques années plus tard. La vengeance c'est bien connu se déguste froide. Tendu, crispant et machiavélique !

- L'Apiculteur, de Jean-Luc Cornette : Melchior, du temps où il s'appelait Joseph faisait pousser du cannabis dans les jardins dont il s'occupe, même celui du roi. Son trafic fonctionne bien et lui permet de lier connaissance avec quelque personne influente.

Voilà pour ma favorites, et je m'aperçois que j'ai noté surtout les histoires traitées de manière humoristique ou légère (sauf pour L'ombre de la tour). Soit les Belges aiment la légèreté et l'humour. Soit c'est moi. Soit eux et moi. Toujours est-il que les écrivains sélectionnés pour ce recueil rivalisent d'imagination et de talent pour nous intéresser aux différents quartiers et personnages bruxellois. Et puis, pour être complet, je me dois de dire que d'autres nouvelles sont plus sombres, angoissantes parfois comme Dédales de Katia Lanero Zamora qui fait évoluer ses personnages dans un monde futur pas très engageant ou Rituel de Kenan Görgün, la plus dérangeante, qui met mal-à-l'aise, entre récit et fiction, entre reportage et invention ; la religion en est le thème principal et la fête de l'Aïd-el-kebir.

Je m'excuse auprès de tous les autres auteurs, Paul Colize (Une fraction de seconde), Sara Doke (L'autre guerre de la Marolle), Ayerdhal (L'autre moitié d'une vie), Alfredo Noriega (Ecuador), Bob Van Laerhoven (Paint it, black) qui ne déméritent pas, loin s'en faut. Leurs nouvelles sont également très bonnes, ce qui vous le comprendrez hisse ce recueil dans ceux que vous ne pouvez éviter.

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26 mai 2015

Les éditions de la Différence ont lancé récemment une collection noire, qui débute avec ce roman et Les roses noires de la Seine-et-Marne. Entrée en matière réussie et originale, car ces deux romans ne sont pas des polars avec enquête, flic, enquêteur, mais plutôt des romans noirs, des romans d'ambiance. Pour Coup de chaud à la Butte-aux-Cailles, Yves Tenret place son roman dans un quartier de Paris, en pleine canicule. La Butte-aux-Cailles, Paris 13ème. Je ne suis pas Parisien -ça me va bien, ça me va bien-, je ne sais pas si l'auteur décrit ce quartier tel qu'il est réellement, un endroit où pas mal de zonards traînent, des alcoolos, des petits arnaqueurs, ... des gens qui n'emmerdent pas les touristes -bon il n'y en a pas beaucoup, ce n'est pas un quartier avec des sites référencés.

En plein cœur du Chinatown parisien avec ses restaurants, ses salons de massage, un endroit que Walter ne connaît pas bien ou plutôt qu'il connaît mais qu'il n'a pas vu évoluer. Le roman est centré sur Walter, sur ses déambulations dans les rues et les bars proches de son squat. Sur ses questionnements quant à sa chute vertigineuse jusque sur le trottoir, lui l'ancien prof qui vient de passer la soixantaine, sur son alcoolisme. Sur ses copains plus jeunes que lui morts rapidement. Sur le quartier qui change à vue d'œil. Yves Tenret en décrit les endroits typiques, la petite Russie par exemple, la vie dans Chinatown, la manière dont les affaires s'y règlent, les rivalités entre Chinois et Libanais. Il crée une belle galerie de personnages, Walter en tête, mais aussi César ou Daniel le cafetier, Park Yun la Coréenne qui ne supporte pas les autres Asiatiques...

Tout concourt à ce que le lecteur passe un bon moment et ait même envie de se promener dans les rues de la Butte-aux-Cailles. Yves Tenret enjolive son histoire avec une jolie plume dialoguée assez vivement, et dans des descriptions réjouissantes qui n'en finissent pas et qu'on aimerait prolonger, sortes d'inventaires, dont celle-ci que je ne peux pas vous citer entière, elle fait une page : "Dans la courette, au ciment badigeonné chaîné de brique rouge succédaient de savants appareillages avortés, ayant l'ambition d'accorder aux nuances dorées de la brique de Vaugirard, la douceur saumonée de celle de Dizy, des moellons hirsutes de pierres de taille, puis du béton peint, de la brique nue, (...) un petit palmier, des rhododendrons, des hortensias, du laurier, des œillets d'Inde, des géraniums rose magenta, (...) des cyclamens, une niche dans un mur -le tout à moitié fait, jamais fini, un vrai Frida Kahlo de climat tempéré, une promesse de bonheur, promesse usée par tous les bouts mais toujours débordante de sa prolifération organique d'origine... Résilience !" (p.27/28)

Christophe Lucquin éditeur

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26 mai 2015

Le garçon-narrateur a douze ans et est relativement innocent. Il découvre au fur et à mesure de l'ouvrage la méchanceté des autres, parce qu'il est plus petit, parce qu'il fait partie de la chorale de l'école et qu'il chante bien avec une voix d'ange ; tout cela changera avec la puberté, mais en attendant ce jeune homme est encore "pur", donc gênant pour les autres qui ne peuvent supporter de l'avoir face à eux. Très vite il découvre ce que la vie lui réserve, Roland son frère se charge de le lui montrer : "Roland, c'est donc Roland, le preux chevalier, mais, à l'entendre, son olifant est dans son froc. Sauf que ça n'est pas lui qui souffle dedans, ce sont les filles.(...) Moi je suis Perceval, Perceval l'Ahuri, qui trempe encore ses doigts dans le bénitier et bave sa foi sur ses cahiers." (p.9/10)

Perceval n'est pas comme tous les autres garçons, plus sensible, solitaire, différent. C'est cela qui met mal à l'aise certains qui le harcèlent et le menacent. Encore une fois, la différence fait peur et plutôt que de tenter d'apprendre d'autrui, de le connaître et de savoir ce qu'il peut apporter, certains préfèrent lui faire du mal, par peur de se confronter à ce qu'ils ne comprennent pas.

Roman construit en quatre chapitre du nom des saisons, commençant par l'automne. A chaque saison Perceval change, évolue, découvre, apprend. Une belle écriture qui part parfois dans des régions inconnues -de moi, mon côté terre-à-terre- mais qui toujours nous reprend pour nous emmener un peu plus loin. Beaucoup de sensibilité, d'émotions mais aussi des moments plus légers, plus drôles, c'est l'enfance quoi. Des phrases et un vocabulaire simples, certaines à retenir : "Il faudrait loger une femme dans chaque homme pour l'empêcher de faire couler le sang." (p.144/145)

Un très beau roman sur l'enfance, sur la différence, sur le passage à l'âge adulte et l'abandon des rêves et des illusions (pas pour tous, heureusement).