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Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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12 octobre 2016

La première chose qui surprend dans ce texte, c'est le style de l'auteur. Moderne, percutant, haché, violent parfois. Des phrases courtes qui s'enchaînent dans de courts chapitres. Tout pour plaire donc... et pourtant, ça ne me convainc qu'à moitié. J'ai eu du mal à comprendre pourquoi l'auteur passait du "je" au "il" alors que le narrateur est censé n'être qu'une seule personne, Toro. Le procédé m'a décontenancé et m'a perturbé au point de ne plus trop comprendre ma lecture, de me perdre dans les lignes. L'histoire est intéressante, elle aurait été plus puissante, à la manière d'Un prophète de Jacques Audiard si le véhicule pour la transmettre m'avait agréé davantage. C'est dommage. Peut-être également une forme plus condensée, plus courte, plus proche des 150 pages que des 250 du bouquin aurait donné de la force, ainsi les répétitions et les longueurs dues aux réflexions parfois vaines de Toro auraient été évitées. Par contre, les paragraphes qui concernent son gardiennage de la femme enlevée sont intéressants, capables d'une force incroyable, ils ne sombrent que très rarement dans les travers décrits plus hauts. Ce sont ceux qui m'ont touché le plus, ceux dans lesquels Toro se révèle.

Je pense être passé à côté d'un livre qui plaira à d'autres sans doute, je pense aussi que l'auteur est passé à côté d'un bouquin qui aurait pu marquer ses lecteurs beaucoup plus fortement. Malgré tout, si l'envie vous prend, voici les premières lignes :

"On te dit : Oreilles. Tu plies tes oreilles et tu te tournes, d'abord à droite, ensuite à gauche.

Narines. Tu penches la tête en arrière, pour faciliter l'inspection.

Bouche. Tu ouvres la bouche. Les portes du corps s'ouvrent sur commande. Tu ouvres la bouche mais on ne t'alimente pas. On n'ajoute pas : on contrôle que tu n'aies pas.

Soulève la langue. Tu obéis.

Tire la langue. Tu obéis.

Gencives. Tu écartes les lèvres avec tes mains. Tes doigts à la disposition des gardiens" (p.9)

Naissance des races bovines

Delachaux et Niestlé

38,00
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12 octobre 2016

Benard Denis, professeur honoraire à l'école vétérinaire de Nantes reprend, annote et enrichit le travail d'Émile Baudement (1816-1863), l'un des grands noms de la zootechnie, naissante à son époque, la zootechnie étant la "science qui s'occupe de l'élevage et de la reproduction des animaux domestiques" (Larousse.fr). Lors du Concours universel agricole de Paris de 1856, Émile Baudement veut faire l'inventaire de toutes les races bovines. Il demande alors à Adrien Tournachon (1825-1903), photographe - frère de Nadar - de prendre des clichés de tous les bovins présents. Ensuite des illustrateurs réputés dessineront les planches que Baudement présentera dans son ouvrage. Cet ouvrage suit la courte présentation de Bernard Denis.

Extrêmement intéressant ce beau livre qui reprend l'historique de l'élevage de bovins en France depuis le XVIIIème siècle. Il parle et nomme les différentes races, les variétés et comment certaines ont disparu, comment d'autres sont apparues, comment l'élevage français a été renforcé par une vache anglaise, car nos voisins avaient de l'avance sur nous quant à la sélection des meilleures vaches et l'amélioration de la race. Après la Révolution et le Premier Empire, "La noblesse exilée en Angleterre ayant eu tout le loisir de constater sur place l'écart entre l'agriculture anglaise et celle de notre pays, on comprend qu'elle soit revenue avec l'idée que, pour progresser en agriculture et en élevage, il était indispensable d'appliquer les méthodes anglaises et d'importer les meilleures races de ce pays. On a parlé de "l'anglomanie" de la Restauration, mais les qualités zootechniques du bétail anglais étaient bien réelles." (p.11)

Bernard Denis s'attarde aussi sur la personne d'Émile Baudement, pour lequel "Une chaire de zoologie appliquée fut créée au Conservatoire des arts et métiers." (p.16). Même s'il fut mal accepté par les autres professeur, Baudement écrivit outre des articles scientifiques, trois ouvrages : Les Races Bovines au Concours de Paris en 1856, Les principes de zootechnie, Les mérinos. A la fin du livre de Bernard Denis sont reproduits les dessins et photos du concours de 1856. Vous y verrez de belles vaches, des taureaux, les photos d'Adrien Tournachon, les dessins d'Isodore et Rosa Bonheur, Barye, Van Marcke et Mélin. Si vous détestez les vaches, passez votre chemin, mais ce serait dommage, car c'est un animal photogénique et beau modèle de peinture. Tout est en noir et blanc, sobre, l'animal est l'unique sujet. Il trône en maître dans un paysage léger en second plan.

Très beau livre, beau travail. A consulter et à montrer aux enfants qui doivent aller au salon de l'agriculture pour savoir ce qu'est une vache.

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12 octobre 2016

Tout d'abord, je tiens à préciser que je suis une vraie quiche en matière de mythologie et d'histoire de la Grèce et que mes grosses lacunes ne m'ont absolument pas empêché de prendre un très grand plaisir à cette lecture réjouissante de bout en bout. Ensuite, j'aimerais attirer votre attention sur cette superbe couverture rose avec une représentation rockn'roll d'Aristophane - enfin, il me semble que c'est lui - et un titre absolument formidable.

Ceci étant dit, me reste à vous conseiller de vous plonger rapidement dans cette farce grecque résonnant très fort dans les moments que nous vivons actuellement. D'un côté les Athéniens fatigués de la guerre quasiment continue depuis dix ans, et de l'autre ceux qui veulent qu'elle continue pour leur prestige, leurs affaires -les marchands d'armes-, leur métier - les soldats -, ou tout simplement ceux qui haïssent les Spartiates, chacun campe sur ses positions. Cette fois-ci ce n'est pas au nom de Dieux qu'ils se battent, mais les Dieux s'en mêlent, Laet parce que c'est son job et Athéna parce qu'elle veut sauver sa ville. Athènes est à son apogée, c'est sans doute la période la plus marquante pour la ville-état, celle qui marquera le monde entier de manière indélébile. Aristophane célèbre poète comique est au centre de cette histoire, qui croit que sa pièce pourrait avoir un impact sur la conférence de paix. Et les questions de s'inscrire entre les lignes : la culture peut-elle sauver le monde ? Peut-elle amadouer les belligérants pour les amener vers le beau plutôt que vers la guerre ? Est-elle une arme pacifique ? L'humour, la moquerie et l'ironie peuvent-ils amener à plus d'humilité et de tolérance ? Voilà pour les questions les plus graves que Martin Millar amène avec humour et finesse. S'en posent d'autres sur l'accès à la culture, sur la place laissée aux débutants - Luxos est un jeune poète qui galère-, sur l'importance des histoires ou des effets spéciaux. Vaut-il mieux avoir une pièce acclamée pas le public et boudée par la critique ou l'inverse ? Et les doutes et les soucis du créateur, de l'artiste...

Tout cela est, je le disais plus haut, amené avec humour et finesse et l'on se plaît à suivre Aristophane dans ses soucis de mise en scène, Métris et Luxos qui flirtent, l'adorable et insouciante Métris qui dès qu'elle apparaît dans un lieu le met immédiatement d'humeur joyeuse. Martin Millar mélange les personnages réels et les fictifs, les dieux, les personnages de la mythologie grecque dans une histoire un peu folle, naïve, drôle, réjouissante, un pur bonheur de lecture qui amène le sourire à quasiment toutes les pages. J'avais hésité étant donné le thème, franchement aucun obstacle à profiter de ce roman.

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18 septembre 2016

Si les premières pages m'ont été un peu difficiles à suivre - le temps d'entrer dans la narration particulière de l'auteure sans doute - je dois dire que le reste - à part quelques petites longueurs et pas mal de personnages dont parfois on ne sait plus qui ils sont - m'a convaincu. C'est un roman pas banal, fort, poignant et violent. Des histoires de femmes fortes qui veulent vivre avec les hommes mais pas à leur service. C'est aussi un beau roman sur le combat des femmes noires tant en Europe qu'à la Réunion où l'on peut être jugé sur les différentes teintes que peut prendre la peau métissée. Une belle réflexion sur le droit des femmes à disposer de leur corps et non plus à subir les assauts des mâles en rut. Les femmes du livre, Leni en tête n'ont pas hésité, par amour, à transgresser l'interdit du passage à l'acte et de l'enfantement, quitte à se faire rejeter ensuite toute leur vie. Monique Séverin parle aussi de la lignée, la descendance, l'hérédité et la préférence des mères - les pères sont très absents de ce roman ou lorsqu'ils sont présents, ce n'est pas dans leur meilleur rôle - pour l'un de leurs enfants en qui elles placent leurs espoirs.

Monique Séverin place son roman entre l'Allemagne et la Réunion. Elle aborde les Lebensborn et leurs pratiques inhumaines pour faire naître de bons aryens, ces lieux où de jeunes femmes blondes étaient violées par des soldats blonds et devaient donner naissance à la future race pure selon les nazis. Elle écrit aussi sur l'histoire de son pays, la Réunion, l'histoire des familles, les blancs et les noirs, qui parfois se rencontraient souvent un homme blanc avec une femme noire - l'inverse de l'Europe. Certaines femmes enceintes étaient laissées de côté, d'autres prises en charge par la famille blanche avec plus de moyens financiers. Puis, les rancœurs, les jalousies, les peurs de se montrer avec une personne pas digne de son rang.

Dans une langue particulièrement élégante et belle voire poétique, Monique Séverin livre un roman dur et beau qui commence par ces mots :

"L'île était là, devant elle. Kozima la regardait approcher. Une montagne, placide, sommet de plus de trois mille mètres qui venait à la rencontre du paquebot, sans précipitation. Ce qu'elle allait y trouver, elle l'ignorait, cela n'avait pas d'importance. Approcher, comprendre, saisir l'aléatoire qui l'avait condamnée, forme refusée, réduite, objet de honte, dans un pays d'Europe, celui où elle était née, que ses cellules corrompues pouvaient dégrader." (p.7)

Albin Michel

17,00
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18 septembre 2016

Je n'ai pas l'habitude de lire du théâtre et encore moins du contemporain, mais le thème et le nom de l'auteur -que j'ai eu l'occasion d'entendre dans une entrevue et dont j'avais aimé les réponses et sa passion pour le théâtre- m'ont convaincu de franchir le pas. Eh bien, je me suis régalé, de bout en bout. Renseignements pris, l'écriture de la pièce de Rostand n'est pas exactement ce qu'en écrit Alexis Michalik, il fait un condensé en quelques semaines d'un processus bien plus long, mais tant mieux pour nous parce que grâce à ce stratagème, la pièce est vive, dynamique, sans aucun temps mort. Elle est très drôle, parle du théâtre dans le théâtre, des affres de la création littéraire ou théâtrale et des difficultés à monter des spectacles innovants, de bousculer les habitudes. Edmond se sert de sa vie et de tout ce qu'il entend autour de lui pour construire ses personnages et écrire sa pièce. Son ami Léo est amoureux de Jeanne, ils seront dans son esprit Christian et Roxane. Monsieur Honoré fait des tirades, elles serviront celles de Cyrano... Edmond observe, écoute et désire : "Seul compte le désir. Le désir pousse les hommes à conquérir des empires, à écrire des romans ou des symphonies. Mais lorsqu'il est assouvi, les hommes cessent leurs exploits." (p.196)

En plus d'être une pièce enjouée, elle permet de réécouter les vers d'Edmond Rostand, ceux de cette pièce difficile à monter en 1897 et qui devint la plus jouée du répertoire théâtral français, la plus connue au monde. Qui de nos jours ne connaît pas tout ou partie de la célèbre tirade du nez, ou du moins qui en l'entendant ne frémit pas d'un plaisir de la belle phrase, bien placée ? Et ce personnage de Cyrano, si grand, si imposant, l'un des plus grands rôles d'homme au théâtre me suis-je laissé dire...

Cette pièce est jouée à partir de ce soir au théâtre du Palais-Royal à Paris, dans une mise en scène de l'auteur, avec Anna Mihalcea, Christian Mulot, Christine Bonnard, Guillaume Sentou, Jean-Michel Martial, Kevin Garnichat, Nicolas Lumbreras, Pierre Bénézit, Pierre Forest, Régis Vallée, Stéphanie Caillol et Valérie Vogt. Très bon moment en perspective...