« Bien sûr j'étais un garçon légèrement bancal, gentiment tordu, un peu perdu sur les bords, mais j'avais appris à danser comme ça, à m'adapter, à observer. »
Voilà comment se décrit notre personnage.
Étudiant un peu branleur, qui préfère les nuits de fumette entre potes que les jours à l'amphi, contemplatif.
Un vieil homme l'intrigue et il le suit, découvre son univers et ses secrets.
Encore un excellent Vinau.
Mais ils sont tous excellents de toute façon.
Le décor change, on est en ville cette fois-ci.
Mais les personnages sont tout aussi touchants, la poésie tout aussi présente, les sentiments tout aussi à fleur de peau, l'imagination tout aussi délirante.
Cet étudiant tordu et ce vieux loup de mer baroudeur sont devenus des intimes et resteront à jamais dans nos esprits.
Merci de nous les avoir présentés Monsieur Vinau.
En 1926, à Paris, Joseph a sept ans quand sa maman meurt.
C'est alors l'assistance publique.
Il connaîtra la prison pour enfants et terminera son parcours à la colonie pénitentiaire de Mettray, sans jamais rien comprendre de ce qui lui arrive.
Il se forge sa carapace pour survivre.
Véronique Olmi sait bien raconter l'enfance.
Dans « La Nuit en vérité » déjà elle l'avait fait avec brio.
Liouba, Bakhita, Joseph, des enfants pour qui la vie est loin d’être facile.
Elle entre complètement dans la peau de Joseph.
Mais quelle horreur cette époque !
Le pire est que ces établissements ont bel et bien existé et font partie de la face noire de notre histoire.
Il ne faisait pas bon être orphelin.en ces temps- là.
Comment une vie qui avait si bien commencé quand Joseph s'épanouissait dans l'amour de sa mère et de sa grand-mère peut soudain basculer dans la pire des horreurs?
Parce que oui, être de l'assistance publique c'était une véritable horreur.
C'est dramatique de nos jours aussi, mais d'énormes avancées ont été faites même si tout est encore bien loin d'être parfait.
L'émotion que je n'avais pas ressentie avec Bakhita était bien présente avec Joseph.
J'ai aimé ce petit garçon.
J'ai aimé l'écriture qui racontait son parcours.
J'ai passé un moment dramatique et tendre à la fois avec lui.
Oui, j'avais vu qu'il s'agissait d'un recueil de poésie.
Et je ne sais pas bien lire les poèmes.
Il me semble toujours qu'ils sont l'intimité profonde de ceux qui les ont écrits et j'ai toujours un peu peur de m’immiscer dans cette intimité-là.
Drôle de sentiment il est vrai, mais bon, on est comme on est.
Sauf que là, quand j'ai vu qu'il s'agissait de Gaëlle Fontlupt, je n'ai pas hésité une seconde.
J'avais tellement envie de retrouver son écriture magique qui m'avait émerveillée dans « Elle voulait vivre dans un tableau de Chagall »
C'est un recueil divisé en cinq parties, chaque partie présentée par un verset du Cantique des cantiques.
Tous ces poèmes ne sont qu'un unique poème, le poème d'un grand amour.
L'amour décliné dans toutes ses phases.
D'abord la tendresse, la sensualité, la sexualité.
Puis l'abandon, la tristesse et la douleur.
Passant par tous les sentiments : le désespoir, la rancune, la colère, la jalousie.
Et la tentative d'oubli, les souvenirs, l'essai de renaissance.
Et l'écriture magique évocatrice et ensorcelante de Gaëlle Fontlupt m'ont fait lire ce recueil comme j'aurais lu un roman d'amour.
Emportée par les mots, par leur musique
Victimes collatérales
Oh non, ce n'est pas juste un fait divers.
Ce sont deux vies brisées ajoutées aux deux vies des faits.
"Papa vient de tuer maman "
Voilà ce que Léa, 13 ans, annonce au téléphone à son frère, 19 ans.
Il prend aussitôt le train de Paris à Bordeaux.
Et là, l'horreur, la lente descente aux enfers.
Ils n'en sortiront pas indemnes.
Dans des drames comme celui-ci, on parle beaucoup des victimes, des coupables, mais on parle peu des enfants.
Partant d'un réel féminicide, Philippe Besson use de toute sa sensibilité pour sortir de l'ombre les victimes collatérales d'un tel meurtre abominable.
Il le fait avec un grand tact.
Les tourments incessants d'un grand frère démuni, sa culpabilité de n'avoir rien vu venir.
Le traumatisme indélébile d'une adolescente qui a assisté à la scène.
Une mère morte.
Un père en prison.
Plus de parents.
Juste eux deux et leur grand-père, aucun ne sachant comment se sortir de ce drame.
L'écriture est simple et belle et s'emploie à donner un éclairage plus large sur l'horreur de ces féminicides.
Une piscine a priori en sous-sol où des habitués se partagent les lignes de nage.
Ce sont des nageurs obsessionnels.
En deuxième partie, le vieillissement d'Alice, l'une des nageuses qui bascule doucement dans une sorte d’Alzheimer.
Très étrange cette description de la piscine, des nageurs et de la mystérieuse fissure au fond du bassin.
Je me demandais ce que j'étais en train de lire.
L'histoire d'Alice est plus concrète.
L'altération de sa mémoire est sa fissure à elle.
Elle devra rester dans sa ligne de nage dans l'établissement où elle est admise.
L'écriture est tournante, nous emmène de l'un à l'autre.
C'est un enchaînement hypnotisant.
On reconnaît bien le style de « Certaines n'avaient jamais lu la mer »
Un roman donc très particulier dont je ne saurais dire si je l'ai beaucoup aimé mais qui en tout cas ne m'a pas laissée indifférente.
Il me donne l'impression d'être autobiographique, mais je me trompe peut-être.