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Gwenaëlle

http://skriban.wordpress.com/

Tombée dans les livres dès l'enfance, je suis aujourd'hui toujours passionnée par l'écrit. Ecrivain public, j'aide les autres à mettre en forme leurs idées. Blogueuse, je partage mes coups de cœur littéraires. Maman, je lis des histoires à mes enfants... Vous pouvez me retrouver surSKRIBAN

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5 octobre 2010

Le chômage en France. Un problème qui dure depuis presque quarante ans. Et sur lequel tout a été dit.

Tout ? Non, on peut encore faire quelques découvertes à ce sujet.

Ainsi, le livre de Martine Le Gall révèle l’existence de ces cadres supérieurs qui peinent à retrouver du travail parce qu’il sont TROP qualifiés. La lecture de ce petit livre, en forme d’exutoire, fait pousser des oh! et des ah! de surprise et d’exaspération. Les recruteurs – employeurs ou consultants – ont beau jeu, bien au chaud dans leur fauteuil et dans leur poste, de venir reprocher à la candidate assise en face d’eux d’être : une femme, une potentielle usine à lardons, trop qualifiée, voire – et c’est le comble! – d’être au chômage depuis trop longtemps pour être tout à fait honnête et compétente… Conseils en relooking, drague ouverte, figurante dans un recrutement joué d’avance, déplacements aussi coûteux qu’inutiles… rien n’est épargné à la chercheuse d’emploi Martine Le Gall. Ce n’est plus la course au poste, c’est le parcours du combattant en talons aiguilles…

Toutefois, l’expérience partagée ici, intéressante et édifiante, s’arrête là. A aucun moment, l’auteure ne remet en question ce système inique, inefficace et qui fait souffrir beaucoup de gens inutilement. Un système qui tient de l’usine à gaz, et repose au pire sur du vent (look, graphologie, morpho-psychologie!) et au mieux sur des critères tellement opaques qu’il est impossible au candidat de savoir dans quelle sorte de bourbier il met les pieds… Pas étonnant, après ça, que la France soit aussi un des pays qui consomme le plus d’anxiolytiques… On deviendrait anxieux à moins…

Martine Le Gall, à la fin de chaque anecdote, se contente de donner quelques conseils pour sauter ou contourner les obstacles, sans trop de dégâts… A ce genre de livre qui surfe sur l’air du temps sans s’attaquer au fond du problème, je préfère un « Cadres Noirs« , de Pierre Lemaître, qui, s’éloignant du réel pour aller vers la fiction, réussit à révéler l’absurdité du système en le poussant à bout…

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21 septembre 2010

Michel Serres a 80 ans. D'origine gasconne, il fait partie de ces personnes intelligentes, au profil atypique, qui aiment toucher à tout. Marin, agrégé de philosophie, docteur en lettres, professeur d'histoire des sciences, écrivain, académicien... ses talents s'exercent partout et dans de nombreuses directions. Son dernier livre, Biogée, paru aux éditions Dialogues, se lit comme un hymne à la vie, une ode à la joie, un chant d'amour.

Divisé en six partie, "Mer et fleuve", "Terre et monts", "Trois volcans", "Vents et météores", "Faune et flore", "Rencontres, amours", ce livre nous invite à une sorte de balade, métissée de réflexions et de méditations diverses, dans et sur le monde qui nous entoure. Le monde dans sa partie vivante et naturelle, puisque biogée signifie "la vie" (bio) et "la terre" (gée). Maniant une plume alerte, Miche Serres déroule une langue qui ondule, chatoie, enfle, souffle, apaise et fusionne. Les mots emportent véritablement le lecteur dans un tourbillon irrésistible, qu'on suive la partition écrite ou la version enregistrée... N'hésitant pas à manier subjonctif imparfait, passé simple et mots savants, ce livre révèle aussi l'amour de la langue de son auteur.

Si je suis l'auteur dans certaines de ses réflexions - "quelle pensée, quelle politique valent si elles ne prévoient pas d'abreuver les enfants?" - ou dans la critique qu'il fait de notre société moderne, compétitive, rigide et froide - "l'ignominie du collectif se mesure à sa religion de la dominance bestiale, à son culte des gagnants. Les squelettes des vaincus durcissent l'acier de leurs statues" - j'adhère par contre beaucoup moins facilement à cet âge d'or que représente pour lui la France des paysans que la modernité a épargnée - "Voici mon pays, mes paysans, mes paysages divers, à petits lopins séparés par du vert, l'ancien rapport à la terre et aux bêtes, où l'industrie, la finance, la banque, l'économie de marché... n'ont encore imposé à la vie leur format ni leur loi."

Plus encore qu'aux lecteurs lambda qui liront son livre - et qui sont sans doute, pour la plupart, déjà convaincus de la nécessité de préserver le vivant -, c'est aux politiques que Michel Serres devrait s'adresser. A ceux qui décident, en notre nom mais sans jamais rien nous demander et sans jamais proposer, a posteriori, d'évaluer leurs choix, de mettre en place des politiques agricoles intensives, de cautionner un droit du travail moribond et des méthodes de management inhumaines, de sauver les financiers plutôt que la planète... Car dans le fond, ce sont eux qui sont à même de décider des tendances de fond qui modèleront le futur... mais est-ce là leur priorité? " Toute lutte pour un poste, de l'argent, une médaille, une citation, la réussite, le succès, la puissance, la gloire, précipite le combattant au rang de ces pauvres frères matés ou des mammifères mâles, saignant au combat, pendant le printemps, pour la possession de femelles apparemment soumises".

Comme Michel Serres l'a soutenu dans un autre de ses livres - Le temps des crises - il devient urgent de favoriser la primauté des sciences de la vie et de la terre dans les institutions de demain. Car c'est de notre avenir à tous qu'il s'agit. Et comme le chante Michel Serres, à pleins poumons, entre les lignes, dans cet avenir, une autre vie est possible... Une vie d'harmonie et de joie.

"Jusqu'au matin où, par un silence soudain dont la grandeur occupa toute l'étendue de l'espace, tout craqua. Un big bang muet. La peau de la poche venait de lâcher. Alors, dense, intense, explosive, la joie arriva, de gauche, de droite, en hautes lames, au ras du sol, en cataracte et marée galopante, comme un tsunami. Liquide, noya les plages comme le ressac, occupa le creux des mers..."

Un texte fort et beau, à lire et à relire.

Éditions Gallmeister

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21 septembre 2010

Alors que le temps des frimas est encore loin, j’ai pu savourer les pages enneigées de ce récit, sans grelotter. L’histoire est simple : le jeune Fromm, un peu par hasard, un peu sur un coup de tête, décide d’aller passer sept mois dans une tente, en plein hiver, à la limite de l’Idaho et du Montana, pour s’occuper d’un bassin de saumons. Ce livre raconte son installation, les péripéties qu’il rencontre, les doutes et les inquiétudes qui le traversent….

C’est peu dire que je me suis régalée avec ce roman d’initiation. Une initiation à la nature sauvage, à l’hiver, aux grands espaces et à la solitude la plus extrême. Dès que la neige se met à tomber, le jeune aventureux est, en effet, coincé à Indian Creek. Il a, pour lui tenir compagnie, son chien, Boone, et parfois la radio, quand celle-ci fonctionne. Le téléphone le plus proche est à une dizaine de miles et encore ne permet-il que d’être en contact avec les rangers… Avec l’inconséquence propre à la jeunesse, il n’a emmené avec lui que six livres… pour tenir sept mois! Il a tout à apprendre : couper du bois, faire la cuisine, chasser, poser des pièges, conserver la viande, tanner les peaux…

Le lecteur s’amuse réellement à suivre ses erreurs de débutants, ses ruses de sioux pour débusquer les animaux sauvages. Le ton est léger, même si parfois le spleen n’est pas loin. Peu à peu, cette prairie devient SA prairie : le jeune adulte expérimente une véritable osmose avec la nature. L’écriture est fluide, limpide, à l’image de cette rivière Selway qui n’en finit pas de serpenter au milieu du récit. Une très belle lecture que je prescris à tous ceux qui ont besoin de s’aérer les neurones et recommande à tous les autres…

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21 septembre 2010

L’histoire débute en 1992, en Estonie, lorsque la vieille Aliide, qui vit seule dans sa ferme, découvre dans la cour le corps d’une jeune fille. Réveillée avec un grand seau d’eau, celle-ci commence à parler par bribes. Elle s’appelle Zara et a fui après une dispute avec son mari.

C’est du moins ce qu’elle prétend. La vieille femme, sur ses gardes, décide de la faire entrer chez elle pour qu’elle se réchauffe, se change et se repose un peu. S’ensuit alors un long huis-clos de plusieurs jours, où les deux femmes vont commencer à s’apprivoiser.

Aliide a vécu l’occupation de l’Estonie par les Allemands puis par les Soviétiques. Intelligente et pragmatique, elle a décidé de « faire avec » et de sauver sa peau et sa ferme malgré les trahisons et les compromissions nécessaires. Zara, elle, fait partie de ces jeunes femmes attirées par le mirage d’un ouest où l’argent coulerait à flots : elle est tombée aux mains d’un proxénète violent et sans scrupules qui la soumet à un esclavage sexuel.

Le roman de Sofi Oksanen parle de violence. De toutes les violences. Celles faites aux femmes, en temps de guerre ou de paix, certes mais aussi de la violence que peut faire naître un amour non-partagé, celle des évènements historiques, ou encore celle que génèrent toutes les religions, les idéologies… Roman âpre et dur mais qui pourtant ne se fait jamais complaisant quand il s’agit de décrire certaines scènes difficiles, Purge donne aussi un autre visage à cette Europe que nous encensons tant. Un visage bafoué, taillé à la serpe et un regard qui hésite entre humiliation et défi. Roman d’humanité et d’espoir, ce livre fort est à mettre entre les mains de tous ceux qui cherchent de réelles nouveautés en cette rentrée « littéraire ».

Hélène Gremillon

Plon

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21 septembre 2010

Au milieu des années 70, Camille, qui travaille dans l’édition, perd sa mère dans un accident. Parmi les lettres de condoléances qui remplissent sa boite, elle découvre un jour une étrange missive. Un mot non signé qui lui raconte l’histoire de plusieurs personnes dont les noms lui sont inconnus : Annie, Louis, Mr et Mme M,…

Croyant à un écrivain en mal d’éditeur et prêt à tout pour faire accepter son manuscrit – quitte à l’envoyer en plusieurs fois – elle ne fait pas vraiment attention. Jusqu’au jour où certains détails lui laissent penser que l’histoire d’Annie est aussi un peu la sienne…

Dans l’immédiat avant-guerre, la jeune Annie a fait connaissance avec Madame M, une bourgeoise réfugiée dans sa propriété, loin de Paris, dans un petit village de l’Aube. Peu à peu, une amitié s’est nouée entre les deux femmes, malgré la différence d’âge et de condition sociale. Quand Madame M avoue, un jour, à la jeune fille qu’elle ne peut pas avoir d’enfant, Annie propose spontanément de lui prêter son ventre. D’abord réticente, Madame M finit par accepter et parvient à convaincre son mari… Elle pense maîtriser la situation et ceux qui la vivent… Mais à la naissance de l’enfant, la guerre est là, tout se dérègle et dès lors, chacun n’aura d’autre solution que de chercher sa propre vérité.

Hélène Grémillon a voulu, dans ce premier roman, à écrire une histoire moderne avec un contexte historique particulier. Pour cela elle a fait de nombreuses recherches qui l’ont amenée à être très pointue dans les détails évoqués. Plusieurs fois, elle a failli renoncer à ce roman, souvent découragée par les difficultés techniques, notamment l’alternance de lettres et de points de vue. Mais elle a fini par aller au bout de ce récit qui est littéralement bluffant. Une fois commencé, impossible de le lâcher…