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Gwenaëlle

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Tombée dans les livres dès l'enfance, je suis aujourd'hui toujours passionnée par l'écrit. Ecrivain public, j'aide les autres à mettre en forme leurs idées. Blogueuse, je partage mes coups de cœur littéraires. Maman, je lis des histoires à mes enfants... Vous pouvez me retrouver surSKRIBAN

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6 septembre 2010

Le premier personnage de ce livre d'Eric Halphen est un juge, Jonas Barth. Jeune veuf, père d’une petite Chloé et peinant à s’engager dans une autre histoire d’amour. Le second est flic, bien sûr, il s’appelle Bizek, préfère les hommes et s’accroche à son travail, à défaut d’avoir une vie privée.

Ensemble, ils vont mener l’enquête sur le meurtre de Marc Chaussoy, ex-athlète, spécialisé dans le « relationnel », comme dit son père et vivant très confortablement dans un appartement luxueux à Paris. Il a été tué de deux balles dans le corps, déposé sur un chantier. Pas d’indices ou presque : un gros calibre, une chaussure et une montre manquantes…
Le nom d’Eric Halphen est connu : magistrat français, il s’est illustré dans la lutte anti-corruption qu’il a menée, notamment dans l’affaire des HLM de Paris. Ce roman est le deuxième qu’il écrit. Je dois admettre que je m’attendais, de la part de quelqu’un qui a traité des centaines d’affaires, à une intrigue bien plus retorse que celle qui nous est offerte là. Plus qu’écrire un roman policier, on a parfois l’impression qu’Eric Halphen cherche à illustrer une thèse. Or, cette thèse de la corruption par les puissants, de la grangrène des systèmes par l’argent et le pouvoir, est plus que connue et elle n’est pas illustrée ici de manière suffisamment convaincante ou surprenante pour satisfaire l’appétit du lecteur…
Néanmoins, l’attention portée aux personnages compense, en partie, ce défaut et peu à peu, à mesure que les histoires personnelles se révèlent, on s’attache à Barth, Bizek et les autres. En cela, Halphen ressemble beaucoup à certains auteurs anglais, pour qui l’intrigue n’est que secondaire, les personnages ayant toujours le premier rôle. Cette particularité notée, on peut apprécier sereinement cette enquête qui flirte avec les rouages de la justice et s’efforce de se jouer des obstacles que le temps met sur sa route…

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31 août 2010

Rares sont les romans traduits du néerlandais mais ils réservent souvent de belles surprises. Celui-ci n’échappe pas à la règle. A peine lues les premières pages, on entre dedans sans rechigner ni se poser de question, pris par le déroulement de cette histoire qui ne ressemble à aucune autre.

Helmer Van Wonderen, la cinquantaine bien avancée, vit dans la ferme familiale. Le roman s’ouvre alors qu’il installe son père, malade, impotent et autoritaire, dans une chambre à l’étage tandis que lui prend celle de son père et se lance dans quelques travaux d’aménagement du rez-de-chaussée, chassant couleurs tristes, tableaux déprimants et horloge bruyante. Est-ce cette simple décision qui va bouleverser la vie d’Helmer, une vie jusque là tranquille, trop tranquille, bercée par les soins à donner aux animaux et les saisons?

Helmer n’a pas choisi sa vie. La mort de son frère jumeau l’a, non seulement privé d’un appui essentiel dans la vie, mais aussi de sa liberté. Par fidélité, il a, en effet, décidé de prendre la place de son frère, abandonnant ses études et la voie qu’il avait choisie, pour s’occuper de la ferme. Helmer s’en rend compte : en fait, il vit une vie qui n’est pas la sienne. Mais comment faire pour en changer? N’est-il pas trop tard? Quelques évènements, des rencontres, des souvenirs vont peu à peu le pousser à sortir de sa réserve, à briser sa carapace.

Là-haut, tout est calme est un roman paradoxal. Il s’en dégage quelque chose d’indéfinissable et pourtant, si l’on scrute bien entre les lignes, rien d’extraordinaire dans ce livre. Pas de meurtre, pas de voyage au Japon, pas de contexte historique ou exotique… Au contraire, la vie d’Helmer est d’une banalité affligeante. Pourtant, une fois commencé, on ne peut se détacher de cette histoire. L’ambiance de la ferme, la beauté simple des paysages, les pensées et les souvenirs d’Helmer, sa curieuse relation avec son père, sa recherche patiente et obstinée d’un bonheur qu’il n’ose même pas imaginer… tout concourt à scotcher le lecteur à ce récit sans prétention mais sans faiblesses non plus!

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31 août 2010

Dans cette rentrée littéraire, le livre de Mathias Enard attire l’œil. D’abord en raison de son titre, pour le moins surprenant. Puis par la beauté de sa couverture qui donne des envies de voyage et de méditation au crépuscule. Que cachent donc ces mystères bleus?

S’appuyant sur quelques indices tangibles : l’invitation d’un sultan, quelques lettres, l’esquisse d’un projet de pont, une dague exposée dans une vitrine et la biographie d’un poète, Mathias Enard laisse aller son imagination et déroule une histoire originale. Il raconte, en effet, en de courts chapitres, les quelques semaines que Michel-Ange a passées, en 1506, à Constantinople. Bravant la colère et la puissance du pape Jules II qui a froissé son orgueil, l’artiste se rend, en effet, en terre musulmane à l’invitation du sultan Bajazet. Ce dernier rêve de faire construire par le sculpteur un pont sur la Corne d’Or.
Michel-Ange, homme de la Renaissance, découvre les beautés de Constantinople : Sainte-Sophie, la bibliothèque du Sultan, les jeux de lumière dans les bâtiments, l’écriture arabe, la musique et la danse… Cherchant d’abord à s’imprégner de l’atmosphère, il parcourt la ville en compagnie d’un interprète et d’un poète que le vizir a mis dans ses pas. S’ensuivra une amitié étrange, des hésitations, une trahison et le miracle de la création.

Très bien écrit, ce livre a pour lui l’originalité de son sujet, l’équilibre qu’il parvient à produire entre fiction et réalité, à la manière de ce pont qu’on imagine enjamber le Bosphore et le personnage de Michelangelo, célèbre déjà mais pas encore au point que l’on sait, dont la personnalité, tout en demi-teintes, affleure sous les mots. Seul défaut : sa brièveté! Eh oui, on commence à peine à s’attacher aux personnages que l’épilogue déjà apparaît…

roman

Calmann-Lévy

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20 août 2010

Alain Delambre était un homme heureux : marié, propriétaire de son appartement, père de deux filles déjà adultes et titulaire d’un poste de cadre supérieur dans les ressources humaines. Tout allait bien pour lui mais, comme beaucoup d’autres quinquagénaires, il a fini pas se retrouver au chômage. A partir de ce moment-là, la dégringolade a commencé et ne s’est plus arrêtée…

Aussi, lorsqu’il trouve une annonce concernant le recrutement d’un assistant RH, il est prêt à tout pour obtenir ce poste qui semble taillé pour lui. Et ici, la formule « prêt à tout » n’est pas à prendre à la légère… Chantage, extorsion, mensonges, coups de poing… S’agitant comme un forcené, Alain Delambre allonge la liste des griefs de ses proches à son égard, sans trop se poser de questions, persuadé qu’il aura ce job, que tout va enfin rentrer dans l’ordre et que sa vie va reprendre un cours normal… Ce que ce cadre à la dérive n’a pas encore compris, c’est que s’il a peu de scrupules, le cabinet qui recrute en a encore moins que lui et l’entreprise cliente, pas du tout… Dans le scénario mis en place par les « décideurs », il n’est qu’un pion parmi d’autres, qu’on sacrifiera le moment venu. Quand Delambre saisit enfin les véritables enjeux de ce recrutement, il décide de jouer les grains de sable…
Après avoir découvert l’écriture de Pierre Lemaître dans Robe de marié, il me tardait de lire ce nouvel opus. Acheté il y a quelques mois, je l’ai pourtant conservé dans ma bibliothèque jusqu’à cet été… Je me le gardais, comme on met de côté un grand cru! Cadres Noirs tient toutes ses promesses : thriller haletant qui n’en finit pas de rebondir, critique acerbe d’un monde du travail devenu fou, portrait psychologique d’un homme que la société a dépouillé complètement et en toute légalité… Ce roman emporte le lecteur dans un voyage périlleux et captivant. Poussant l’absurdité jusqu’au bout, l’auteur montre aussi avec une grande justesse comment les principes mêmes du management peuvent être utilisés à toutes les fins, y compris les plus inattendues et se retourner contre ceux qui en ont fait un outil de domination…

Le monde de l’entreprise, avec ses rituels, ses codes, ses hiérarchies est décortiqué, mis à nu afin que chacun puisse en constater l’inhumanité. C’est devenu notre « théâtre antique », le lieu de toutes les tragédies… Et si tout semble se réduire toujours à une question de gros sous, l’auteur a toutefois l’habileté, dans une ultime pirouette, de prouver la véracité de l’adage selon lequel, l’argent ne fait pas le bonheur…

Cadres Noirs est un excellent polar, un grand cru, long en bouche et qui a tous les parfums de son époque. Il fera la joie des amateurs et des autres…

roman

Actes Sud

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20 août 2010

A l’image de ces mots ronflants destinés à cacher la misère et le commun, le White Palace est un fast-food qui sent la mauvaise graisse et l’oignon. C’est là que Nora travaille et là qu’elle va rencontrer Max pour la première fois. Tout sépare ces deux-là : le physique, l’éducation, l’âge, le lieu de résidence, la profession.

Nora a dépassé les quarante ans. Elle n’a pas fait d’études, elle se montre volontiers vulgaire, elle aime la vodka et les cigarettes et vit dans une véritable porcherie. Max, lui, n’a pas encore atteint la trentaine. Jeune, ambitieux, il gagne bien sa vie mais peine à se remettre de la mort accidentelle de sa jeune et jolie épouse. Maniaque jusqu’à l’obsession et cuirassé dans son chagrin, il se laisse malgré tout approcher par la serveuse du White Palace et propose même de la ramener chez elle, après lui avoir fait promettre de se tenir tranquille. Mais il faut plus qu’une promesse à Nora pour l’obliger à être sage et sa sensualité débridée ne fera qu’une bouchée des deux ans d’abstinence de Max…

Commence alors entre ces deux-là une histoire d’amour à la je t’aime moi non plus, chacun étant surpris par cette attirance hors norme, chacun se rendant compte que tout est voué à l’échec. Max éprouve de terribles angoisses à l’idée de présenter cette « fiancée » hors-norme à ses amis et à sa famille. C’est d’ailleurs, entre eux, un sujet de discorde permanent qu’ils essaient d’oublier ou de contourner à grand renfort de sexe débridé et d’alcool… Quant à Nora, elle vit mal son infériorité sociale et se montre très mystérieuse à propos de son passé.

Glenn Savan a écrit là une histoire d’amour pas comme les autres qui touche le lecteur. Ces problèmes de « castes » sociales, invisibles mais pourtant opérantes, se ressemblent d’une côté de l’Atlantique ou de l’autre, même si ce phénomène est moins visible en France. Se pencher sur les effets de cette forme de « transgression sociale » que l’amour engendre parfois est une très bonne idées. L’auteur montre, avec une grande finesse, toutes les limites, intégrées, invisibles, non-dites de notre prétendue « liberté ». Glenn Savan a écrit un roman riche et drôle, très bien écrit et dont les personnages trouvent forcément des échos en nous. Attachant et parfois très agaçants, ils sont comme nous, hésitants, incapables de renoncer à quoi que ce soit avant d’être mis devant le fait accompli…