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Conseillé par Clara8 décembre 2015
"Tout grand mensonge se fabrique avec des petites vérités, en est pétri."
Construire une vie entière sur une multiplicité de mensonges, c’est ce qu'a fait Enric Marco jusqu’à ce que la vérité éclate telle une bombe en 2005. Car Enric Marco n’était pas une personne quelconque. Ce vieil homme espagnol s’est forgé un passé glorieux : syndicaliste, fervent opposant au régime franquiste, ancien déporté au camp de Mauthausen en Allemagne (et donc victime) durant la Seconde Guerre mondiale. Il devient même le président de l’Amicale de Mauthausen et consacre tout son temps à témoigner de ce qu’il a vécu et vu à Mauthausen. Sachant manier le verbe et tenir son public dans la main, il est une figure publique de la mémoire. Comment cet homme a-t-il pu embobiner tout le monde ?
Javier Cercas dans ce livre cherche à comprendre, à analyser quelles ont été ses motivations et ses raisons. Il s’est entretenu longuement avec Enric Marco pour rétablir la vérité et faire la lumière sur le passé débarrassé de ce tissu de mensonges.Ce livre dérange, trouble profondément. L’auteur nous plonge dans le passé sombre du franquisme, met en garde de confondre Histoire et mémoire. Et quand Enric Marco Narcissique, roublard (terme qui revient très souvent) dit que son mensonge a réveillé les Espagnols et notamment la jeunesse pour leur faire prendre conscience de l’horreur du nazisme, ça choque et ça interpelle. Est-ce encore un énième mensonge ? Javier Cercas a su prendre la distance nécessaire pour rétablir les faits. Et il approfondit, va au bout de sa quête. L’Histoire de l’Espagne est toujours présente en toile de fond. Et là où certains se sont tus, ont voulu oublier, Enric Marco dans ses affabulations était un héros. Mais Javier Cercas mène également une réflexion très juste sur la littérature. L’imposteur et le romancier construisent de la fiction (il compare Enric Marco à Don Quichotte).
Un livre qu’on ne lâche pas malgré quelques petits défauts dans sa construction : de nombreuses redites qui à la fin deviennent agaçantes et quelques petites longueurs. Mais ces bémols n’enlèvent rien au fait que L’imposteur est une lecture qui marque !
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Conseillé par o n l a l u27 septembre 2015
Fiction ou vérité ?
Comment raconter la vie d’un homme romancier de lui-même ? C’est le défi que relève Javier Cercas dans son dernier roman consacré à Enric Marco, le plus grand imposteur espagnol de ces dernières années. Jusqu’en 2005 où il a été démasqué par un historien, ce syndicaliste catalan, aujourd’hui âgé de 94 ans, a réussi à se faire passer pour un ancien déporté des camps nazis et un républicain résistant persécuté.
Cette histoire romanesque avait tout d’une aubaine pour un écrivain qui se faufile d’ordinaire dans les ombres de l’Histoire. Alors pourquoi Javier Cercas a mis huit ans avant de s’attaquer à ce sujet ? Marco étant une création vivante, qu’allait-il ajouter, celui dont le métier est justement d’écrire des fictions ? Le personnage avait en quelque sorte déjà fait le travail. Par conséquent, l’enjeu était de faire surgir la vérité de la construction imaginaire, de mettre en évidence la réalité qui avait servi d’étai au mensonge. Javier Cercas reprend donc l’enquête : Enric Marco était bien en Allemagne en 1941, mais comme travailleur volontaire et pour échapper au service militaire ; s’il a bien eu un ami anarchiste, lui-même n’a jamais fait partie d’une quelconque organisation libertaire.