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Dernier jour sur terre

David Vann

Éditions Gallmeister

  • Conseillé par
    19 juin 2017

    Essai, tueur de masse

    Je laisse encore une chance à l’auteur avec cet essai sur un tueur de masse paru en 2014.
    Mais il n’y a rien à faire, j’ai du mal à suivre les images de l’auteur et à comprendre où il veut en venir : il nous parle du suicide de son père en parallèle avec le suicide de Steve qui a juste avant tué 5 personnes dans son université. Quel rapport ?
    L’auteur rencontre les personnes qui ont côtoyé Steve et retrace son parcours d’adolescent mal dans sa peau, interné plusieurs fois, sous anti-dépresseurs, souffrant de TOC, rejeté par sa soeur, un brin raciste et adorant les jeux vidéos violents. Quel tableau !
    Pourtant, il tombe amoureux, mais il a une telle mauvaise image de lui et de ses capacités qu’il ne peut remonter la pente.
    C’est l’occasion pour l’auteur de fustiger l’armée américaine qui « relâche » ses anciens enrôlés dans la nature sans aucun suivi ; sur le lobby des armes à feu incapable de tirer une leçon de ces tueries répétitives.
    Mais je reste dubitative sur la portée de la conclusion de l’auteur : les plus malheureux sont les gens autour du suicidé qui doivent faire face au geste définitif. 28 ans et 260 pages pour en arriver à cette conclusion, cela me paraît beaucoup.
    J’ai trouvé très longs les passages où l’auteur transcrivaient les dernières conversations écrites de Steve avec son amoureuse : il n’en fait aucune analyse et se contente de nous livrez les faits bruts.
    De même, si, au départ, l’auteur ouvre son livre sur le suicide de son père, on s’aperçoit bien vite qu’aucune comparaison n’est possible. Alors pourquoi avoir maintenu le parallèle ?


  • Conseillé par
    4 septembre 2014

    David Vann : dernier jour sur terre

    David Vann ne fait jamais dans la guimauve! C'est le moins que l'on puisse dire! J'en étais restée à ses Désolations, livre qui m'avait pas mal secouée et le voilà qui récidive avec une biographie qui porte le titre bien approprié d'une chanson de Marylin Manson : Dernier jour sur la terre ou Last day of summer.
    Vous jugerez du livre d'après l'incipit qui donne le ton : Après le suicide de mon père, j'ai hérité de toutes ses armes à feu. j'avais treize ans". Cela fait froid dans le dos, non? et ce qui suit encore bien plus!


    Car le petit David Vann traumatisé par le suicide du papa va très mal. Il s'amuse à tirer sur les lampadaires du lotissement voisin. Il lui arrive même de viser le voisin avec la Magnum 300. Qu'est qui le retient d'appuyer sur la gâchette? Pourquoi a-t-il été échappé à l'irrémédiable et qu'est-ce qui a poussé, au contraire, Steve Kazmierczak, un jeune homme de 27 ans à aller jusqu'au bout, à devenir ce tueur de masse qui tire sur des étudiants de North lllinois University le 14 février 2008?
    David Vann mène une enquête approfondie en étudiant les archives transmises par la police, le courrier de Steve et de ses ami(e)s, mais aussi en rencontrant les professeurs et les familiers de Steve, tous persuadés que celui-ci était un homme intelligent, gentil, incapable de commettre un tel meurtre. Et pourtant, l'enquête de Vann dévoilera les zones obscures du tueur, les haines racistes qui le rongeaient, les angoisses qui l'étouffaient, les Tocs dont il souffrait et sa maladie mentale qui n'a cessé de s'aggraver d'année en année.
    Si David Vann s'intéresse à ce cas, ce n'est pas pour la recherche du sensationnel ou par morbidité. C'est pour jeter un cri d'alarme, pour dénoncer les dysfonctionnements et les aberrations des lois américaines qui permettent à chaque citoyen de s'armer. Il met en cause les mentalités d'une grande majorité des américains prêts à entrer en guerre si l'on menace de limiter le port d'armes et la responsabilité des parents qui forment leurs enfants aux armes à feu dès leur plus tendre enfance. David Vann a appris à tirer dès sept ans et a eu son premier vrai fusil à l'âge de neuf ans. Steve est lui aussi initié très jeune et, en cachant sa maladie, il peut se procurer librement toutes les armes et les munitions qu'il souhaite..

    "Après la fusillade de NIU, le pouvoir législatif tenta de faire passer une loi qui aurait pu limiter l'achat d'armes à poing à un pistolet par mois, ce qui impliquait tout de même qu'une personne pouvait se procurer douze armes pas an, et même cela n'a pas été voté.. Chaque fois que je roule dans Champaign pour interviewer Jessica, je vois des panneaux en bordure de route qui affirment : les armes sauvent des vies. Si ça ce n'est pas de la manipulation, qu'est-ce qu'on entend alors par "manipulation"?

    Pèse aussi dans la balance la maladie mal soignée, la bipolarité de Steve encore accentuée par l'abus des médicaments, par l'impuissance des parents, par le rejet des autres face à l'étrangeté ou la bizarrerie. Les structures qui sont censées encadrer ces malades mentaux ne sont pas la hauteur et finissent, après les avoir abrutis de médicaments, par les laisser partir sans soin dans la nature! Son passage dans l'armée aggrave encore son état!
    Les idéologies de la haine que ce soit celle du nazisme ou du Ku Kux Klank ainsi que les films violents qui aboutissent à une insensibilité et à une accoutumance au Mal jouent aussi un grand rôle dans la dérive du tueur de masse. On sait que Steve Kazmierczak y était accro! L'on peut y ajouter ce que David Vann appelle "la honte sexuelle", une homosexualité mal vécue ou un viol dès l'enfance qui génère un comportement déviant. Tous ces facteurs semblent avoir pesé sur Steve et l'ont transformé en monstre.

    Mais on ne naît pas "tueur de masse", on le devient et il faut des années pour en arriver à ce point de non retour. Il est beaucoup plus facile de dire que Steve Kazmierczak était un monstre et que l'on ne pouvait rien faire pour l'éviter. Cela évite de poser les responsabilités. Pourtant Steve a essayé de se suicider à maintes reprises. C'est ce que rappelle David Vann et son livre résonne comme un cri d'alarme un peu désespéré, un avertissement qui semble bien ne pas avoir beaucoup d'échos dans son pays. Un livre marquant.

    "Il s'avère que je n'ai pas tant de points communs avec Steve. Je ne partage ni son racisme, ni son libertarisme, ni son amour des films d'horreur, sa fascination pour les tueurs en série, le service militaire, la sexualité ambivalente, les rencontres obsessionnelles sur le Net, les prostituées, les médicaments, le passé psychologique troublé, les amis dealers, la mère dérangée, l'intérêt pour les maisons d'arrêt, etc. Mais j'ai hérité des armes paternelles à treize ans, à l'époque où je débordais d'hormones, où le monde n'avait plus aucune importance à mes yeux depuis que mon père avait porté son arme à sa tête. Je n'avais rien à perdre. Et j'avais été le témoin de beaucoup de violence."