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  • Conseillé par (Libraire)
    5 avril 2018

    "Je suis peintre. Et fou, parfois."

    Gérard Garouste, avec la complicité de Judith Perrignon, prend la plume pour nous révéler son parcours d'homme et d'artiste. À la force des mots, à fleur de peau, on découvre une âme abîmée et tourmentée.
    Effrayé par son père, il tente de fuir coûte que coûte ce foyer violent. Cet homme antisémite, haineux et brutal servira au jeune Garouste de contre-modèle. En effet, ce fils, qui se cherche en tout point, agit contre la détestation de soi et de son père.
    Décrit comme « mauvais en tout sauf en dessin », il s'y applique méticuleusement malgré un pessimisme persistant. Quant à l'aube de ses trente ans et de son succès, il se trouve ravagé par des crises violentes de délire, il faut encore lutter.
    Avec sincérité et sensibilité, Gérard Garouste nous dévoile le chemin d'une vie. Plongez au cœur d'une autobiographie intimiste et bouleversante qui nous permet de voir l'homme derrière l’œuvre. Un hommage à l'amour malgré les blessures.


  • Conseillé par
    28 avril 2016

    folie, peintre

    De l’artiste, je ne connaissais rien, ni sa vie, et encore moins son œuvre. J’ai donc découvert un enfant malheureux entouré de secrets de famille (mais qui ne l’est pas…), un adulte qui peine à grandir et que les crises de folie dévaste, un artiste monté très vite en gloire ; un homme tourmenté comme l’illustre si bien la couverture.

    J’ai trouvé malgré tout la narration un peu brouillonne, et le mot de la fin un peu trop angélique.

    Cependant, cet autoportrait à quatre mains m’a donné envie de découvrir les tableaux du peintre avec Le Classique et l’Indien.

    L’image que je retiendrai :

    Celle des débuts de l’artiste, qui commence par peindre les boîtes de nuit du Palace.

    Quelques citations :

    « Il savait que la qualité de vie se mesure à la distance d’un père à son fils. » (p.132)

    « Ce n’est pas un hasard si cette toile m’a ouvert les portes (à propos de son tableau Adhara). Elle dit mon rêve, mon choix, l’imbroglio de mes pensées, mon langage des signes, cette idée, à laquelle je tiens, qu’on représente une chose et qu’on en raconte une autre. Celui qui la regarde n’y verra pas forcément tout ce que j’y ai mis, c’est l’intensité qui doit passer. » (p.146).

    http://alexmotamots.fr/?p=1788


  • Conseillé par
    15 décembre 2015

    C'est Aifelle qui m'a suggéré cette lecture dans un commentaire sur mon article concernant le livre de l'un des amis poches de Gérard Garouste, l'un des fameux pensionnaires, Jean-Michel Ribes, Mille et un morceaux. Merci beaucoup, car c'est une lecture forte, que j'ai alourdie de notes, de phrases ou paragraphes soulignés. Le tout début par exemple : "Quand Isabelle, la dame qui s'occupait de lui, m'a appelé en pleurs, je suis parti vers Bourg-la-Reine et la maison de meulière, 15 avenue de Bellevue. Il était dans son lit, la tête posée sur les mains, il semblait dormir tranquillement, en accord avec lui-même. Mais il était mort et j'étais soulagé." (p.11) Plus loin, Gérard Garouste parle un peu de ses ascendants et des secrets de famille qui plombent les générations suivantes. Son père, né en 1919 héritier des magasins de meubles Garouste et fils qui profitera de la guerre : "Il n'avait pas pu faire héros. Alors il avait fait salaud. Son éducation de bon catholique l'y préparait. Il appartenait à un monde d'illusions et de certitudes, où les Juifs avaient une sale réputation." (p.25)

    Gérard Garouste revient sur son enfance, la peur qu'inspirait son père, sa haine des juifs et sa misanthropie de manière générale. Son sauvetage, il le doit à plusieurs causes : la peinture, l'amour d'Élisabeth qui deviendra sa femme et les livres. Pas n'importe lesquels : La divine comédie de Dante, puis plus tard le Talmud et la Torah. Il apprend l'hébreu, discute avec des rabbins : "Et sans le voir je dérivais doucement vers ce monde juif obscur et malin, dont on m'avait appris à me méfier." (p.75) Beaucoup de pages sur l'antisémitisme de son père et sur son apprentissage de ce que sont les juifs jusqu'à en presque épouser la religion, comme pour contrebalancer la haine du père.

    Le livre est aussi une belle réflexion sur la peinture, la création, l'argent qui entoure l'art et sur Picasso qui "a cassé le jouet... Il avait cannibalisé, brisé la peinture, ses modèles, ses paysages, et construit une œuvre unique... Il a rendu classique tout ce qui viendrait après lui. Il est la peinture et son aboutissement. Que faire après lui ? Et Marcel Duchamp qui venait de mourir ? On était en 1968, et nul n'a voulu voir, alors, que la révolution de l'art était terminée, Duchamp en était le point final. Il avait renoncé à la peinture, décrété l'objet comme œuvre et l'artiste celui qui regarde. Il avait joué avec notre mémoire, notre culture, notre rétine et avait poussé si loin le défi, que tout avait été fait et défait." (p.61/62)

    Et puis la folie, les crises de délire fortes, la maladie qui effraie son entourage, ses fils particulièrement : "Selon les époques, les mots me concernant ont changé : on m'a dit maniaco-dépressif ou bipolaire... Un siècle plus tôt, on aurait juste dit fou. Je veux bien." (p.88) Les séjours à Sainte-Anne, la camisole chimique, les retours et les rechutes...

    Une histoire poignante, sincère et directe, pas de détours, de paraphrases pour expliquer ceci ou cela, le récit est brut, franc, ce qui explique aussi sa relative et bienvenue brièveté (156 pages en poche). Une vie pas commune, pas particulièrement joyeuse, mais pas écrite pour faire pleurer ou pour s'apitoyer, sans doute pour donner quelques explications aux toiles du peintre, car toute sa vie est dans sa peinture ainsi qu'il l'écrit.

    Un texte dense et bouleversant des titres et sous-titre jusqu'à la fin, sans doute comme les toiles du peintre que j'avoue ne pas bien connaître, seulement par mes recherches sur Internet.


  • Conseillé par
    27 avril 2012

    Le texte s’ouvre sur la mort du père de Gérard Garouste. Immédiatement, les émotions sont dissonantes. « Il était mort et j’étais soulagé. » (p. 11) Le fils qui ne s’émeut pas de la mort de père, on voit ça depuis Œdipe. Mais jamais la disparition de l’homme qui fut le père n’a su calmer les angoisses du fils, même devenu homme. « Sa mort ne change pas grand-chose. Elle ne résorbe rien. Je vis depuis toujours dans la faille qui existe entre lui et moi. C’est là que j’ai compris mon rapport aux autres et au monde. » (p. 13)
    Garouste père fut un homme, un mari et un père brutal, professant à tout va une immense haine des Juifs. « Mon nom est une jurisprudence. » (p. 20) Toute sa vie, Gérard voudra réparer les fautes de son père. « Il n’avait pas pu faire héros. Alors il avait fait salaud. Son éducation de bon catholique l’y préparait. Il appartenait à un monde d’illusion et de certitudes, où les Juifs avaient sale réputation. » (p. 23) Le fils se sent des devoirs sur l’héritage de culpabilité que lui a laissé son père, un devoir de battre en brèche son éducation catholique.


    Mais c’est ce père si ambivalent qui sauva Gérard. « Il se savait dangereux pour moi. Il avait, je crois, voulu me sauver de lui et se sauver de lui-même à travers moi, à l’ancienne. » (p. 25) Gérard est élevé par une tante et un oncle mis au ban de la famille. C’est là qu’il a ses premiers chocs artistiques, auprès d’un homme rustre qui n’avait pas conscience qu’il sublimait la réalité. Puis Gérard découvre la pension. Alors qu’elle est une prison pour certains, le garçon y fait l’expérience d’une liberté inouïe.
    Adulte, il sait qu’il veut peindre, mais quelque chose le retient. Des peurs, des angoisses, des restes d’enfance. Gérard tombe alors dans le délire et découvre les centres psychiatriques. « Le délire, c’est une fuite, une peur d’être au monde, alors, on préfère se croire mort, tout-puissant, ou juste un enfant. » (p. 86) Mari, puis père, Gérard ne peut empêcher son esprit de lâcher prise. Il fut un enfant rêveur, il est maintenant un adulte tourmenté et inquiet. Pour peindre, il lui faut s’affranchir de ses angoisses. « Le délire ne déclenche pas la peinture, et l’inverse n’est pas plus vrai. La création demande de la force. » (p. 97) Et l’on suit le peintre, ses premiers succès, ses expositions, ses rencontres. Le talent est là, sans aucun doute, encore faut-il qu’il soit reconnu. Alors, finalement, qui est cet homme ? « Je suis peintre. Et fou, parfois. » (p. 133)
    J’ai été profondément bouleversée par la figure de ce peintre qui se sait fragile et qui, petit à petit, détricote tout un écheveau culturel. Il repousse le catholicisme inepte et s’ouvre à la pensée judaïque. Il s’affranchit, autant qu’il le peut, d’un héritage qu’il ne reconnaît pas. Avec quel brio Gérard Garouste décrit-il son père ! À la fois figure à détruire et à distancer, cet homme a tout fait pour son fils. Mais, au terme de sa vie, il a cédé à ses terreurs et à préféré tout lui supprimer. La détresse du gamin, dans les premiers chapitres, m’a rappelé les chefs d’œuvre de Jules Vallès, de Jules Renard ou d’Hervé Bazin : ces gosses-là avaient le cœur trop grand et trop tendre et leurs parents n’en on pas tenu compte.
    Le sous-titre donne l’idée d’une gradation : le fils est devenu peintre qui est devenu fou. L’enfant portait en lui le peintre et le fou. Mais le fou cherche à redevenir un enfant et c’est le peintre qui le lui permet. Cette lecture est une grande claque. Je ne connaissais pas le peintre avant de lire son autobiographie. À comparer les toiles et le texte, je trouve la même beauté, la même complexité : il y a des chemins secrets partout, des mystères partout. Dans cette autobiographie, Gérard Garouste ne condamne pas son père : ce dernier avait signé tout seul sa sentence. Le peintre ne blâme que lui-même pour ses faiblesses et ses hésitations. Mais il ne fait de façon telle qu’il sublime le processus de création, il donne au talent une dimension qui dépasse le génie. Il investit l’art et se revendique à travers lui.