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Conseillé par o n l a l u1 janvier 2017
Le roman doit changer le monde
Javier Cercas est un de mes auteurs favoris. Dans ses romans bien écrits et intelligents, j’aime particulièrement sa connivence avec le lecteur, comme dans son génial « L’imposteur », dans lequel commençait déjà à s’élaborer la théorie développée dans cet essai.
**A quoi reconnaît-on un chef-d’œuvre ?**
Javier Cercas récuse les idées arrêtées et assénées, les certitudes, les livres forclos sur des vérités immuables ou écrits selon des recettes éculées. Pour lui, un bon roman n’est pas qu’un divertissement, pas plus qu’une invitation à s’installer confortablement dans le fauteuil de nos certitudes. La lecture doit nous faire ressentir des émotions, susciter en nous des interrogations, nous ébranler, bref nous changer un peu. Le génie et la pérennité des chefs-d’œuvre résident justement dans le fait qu’ils ne contiennent pas une seule et unique vérité, mais reflètent la réalité humaine complexe et déroutante. Prenons par exemple « Don Quichotte », « Moby Dick » ou « Le procès ». Bien malin en effet qui pourrait affirmer que Don Quichotte est complètement fou (ou sensé), que la baleine blanche représente le Mal absolu (ou le bien), que Joseph K. est innocent (ou coupable). C’est ce que Javier Cercas appelle le « point aveugle » du roman : la faille, le doute, l’ambiguïté, la brèche ouverte par l’auteur qui permet au lecteur de s’y engouffrer pour forger sa propre idée.
**Un essai personnel.**
L’auteur espagnol, dans ce court mais très dense essai, parle aussi de lui, de son expérience de lecteur cosmopolite, et des écrivains qui, comme Mario Vargas Llosa ou Jorge Luis Borges, lui ont donné envie d’écrire. Entre art du roman et essai personnel où il décrit sa relation à ses confrères, comme Kenzaburô Ôé, Javier Cercas équilibre le tout pour nous faire réfléchir à notre propre pratique de lecteur, et nous donne envie de nous plonger dans notre bibliothèque personnelle.