Sa seule épouse

Afi Tekple, jeune couturière qui a grandi dans la pauvreté après la mort de
son père, a été convaincue par sa mère d'épouser Elikem, un riche homme
d'affaires qu'elle connaît à peine. Tantine, la mère d'Elikem, fait partie de
l'une des plus riches familles de la ville (et même du pays). Elle est une
personnalité active et importante, à la tête de l'entreprise familiale elle
gère les affaires de la famille à tous les niveaux. La matriarche a choisi
Afi, une jeune femme qui n'est pas de ce milieu mais qu'elle espère docile et
facilement "manipulable" pour qu'elle détourne son fils, Elikem, d'une autre
femme, libérienne que la famille déteste et que la mère juge indigne d'entrer
dans leur clan. Afi n'avait jamais imaginé se marier autrement que par amour,
les mariages arrangés n'étant pas la norme au sein de la société ghanéenne.
Elle n'est en aucun cas préparée à la vie qui l'attend à Accra, la capitale.
Originaire d'un petit village où tous les habitants se connaissent, se
cotoîent et s'entraident. La ville lui apparaît comme un endroit bien plus
froid et où paradoxalement elle s'y sent bien plus seule, alors même qu'elle
n'a jamais été autant entourée. Pendant des jours, elle attend que son mari la
rejoigne dans leur nouvel appartement, angoissée à l'idée de ne pas réussir à
l'arracher aux griffes de sa rivale. C'est après tout pour cela que la mère
d'Elikem l'a choisie. Sur Afi pèse une pression intense. Sa mère et elles
savent que ce marché leur permettra de s'élever socialement à une place
qu'elles n'auraient jamais pu atteindre autrement. Sa mère qui a Tantine pour
patrone sait très bien que les cadeaux et les aides financières dont elles
bénéficient toutes deux de sa part, ne continueront que si Afi remplit sa
mission et sa mère son rôle à savoir : un respect et une obéissance totale à
Tantine. Lorsqu'elle fait enfin la connaissance d'Elikem, le courant semble
passer entre eux et Afi espère avoir accompli sa mission. Elle fait tout pour
lui plaire, lui montre le respect qui est attendu d'elle et cherche par tous
les moyens à se montrer exemplaire pour qu'aucune autre femme n'ose essayer de
prendre sa place. Cependant, Elikem ne peut s'empêcher de retourner auprès de
sa maîtresse dès qu'il en a l'occasion. Les efforts d'Afi n'y changent rien.
En parallèle, elle poursuit ses études, utilise l'argent qu'on lui a versé et
l'influence de sa famille pour devenir une couturière professionelle. Toujours
autant attachée à Elikem, elle choisit désormais de faire des choses pour elle
et pour sa propre identité. Non pas en tant que "femme de" mais en tant
"qu'Afi". Un jour, elle découvre qu'elle est enceinte. Afi pense qu'elle va
pouvoir le retenir pour de bon. Elikem continue cependant à aller et venir
entre son appartement et la maison où il loge son autre femme et sa fille. Afi
décide donc de retourner vivre chez sa mère dans son village nommé Ho. Au bout
d'une semaine, Elikem parvient à la convaincre de revenir : c'est elle qui
habitera désormais dans la maison qui lui appartient. Mais il est furieux
qu'elle lui ait forcé la main et ne lui ait pas montré l'obéissance qu'elle
est censée lui devoir selon lui. Mais Afi lui tient tête. Elle est mère
désormais et en plus de son intérêt elle voit maintenant celui de son enfant.
Sa figure d'épouse soumise à laisser place à celle d'une mère protectrice et
désireuse de faire valoir ses droits. Un an plus tard, Afi est mère d'un petit
garçon et propriétaire d'un atelier de couture, ainsi que de sa propre
boutique de vêtements. Elle mène une vie épanouie, jusqu'au jour où elle
découvre qu'Elikem voit toujours sa maîtresse. Afi comprend que son rôle
d'épouse n'est finalement que provisoire. Le jour où Tantine quittera ce
monde, Elikem épousera cette aufre femme (la polygamie étant reconnue
légalement) et Afi ne sera alors plus son épouse mais sa maîtresse. Ce constat
l'attriste, mais elle n'est désormais plus la jeune fille naïve qui s'est
présentée seule à l'autel, prête à épouser un inconnu. Elle est mère
désormais, elle a muri, appris les codes de ceux qu'elles ne pouvaient
observer que de loin fut un temps. Insensible aux pressions de sa belle-
famille et refusant de se laisser condamner à un rôle qui n'était pas celui
promis au départ, elle demande le divorce et fonde sa propre entreprise. Elle
va élever son fils seule, sans l'aide de sa belle-famille qui ne peut
désormais plus l'emprisonner. Ses moyens seront certes moins importants mais
la liberté et l'indépendance acquises sont inestimables. Peace Adzo Medie est
universitaire et auteure. Elle est maître de conférences en genre et politique
internationale à l'université de Bristol. Ses recherches portent sur le genre,
la politique et les conflits en Afrique. Son premier livre, Global Norms and
Local Action: The Campaigns to End Violence against Women in Africa, a été
publié en mars 2020 par Oxford University Press. Son premier roman, His Only
Wife, a été publié en septembre 2020 par Algonquin Books. C'était un choix des
éditeurs du New York Times Book Review, un "livre remarquable" du New York
Times de 2020 et un "livre incontournable" du Time Magazine de 2020. Elle est
co-rédactrice en chef de African Affairs, la revue d'études africaines la
mieux classée, et de la série de livres Oxford Studies in African Politics and
International Relations. Elle est également chercheuse au LECIAD, Université
du Ghana. Peace Adzo Medie est titulaire d'un BA en géographie de l'Université
du Ghana, d'une maîtrise en études internationales de l'Université de l'Ohio
et d'un doctorat en affaires publiques et internationales de l'Université de
Pittsburgh. Elle a fréquenté l'école secondaire OLA, à Ho, et est née au
Libéria.